Redécouvrir la splendeur banale du quotidien
« Pour la sixième année, j’adapterai des textes de Christian Bobin en Bretagne pendant l’été, chez des particuliers, des théâtres, des entreprises où je rencontre une forte attente de ce regard simple, renouvelant, sur la vie ordinaire. » explique-t-il.
Frère de la communauté Saint Jean, et prêtre, Frère Grégoire a été missionnaire en Lituanie auprès des enfants des rues, enseignant de philosophie et de théologie en Asie, à l’université, dans des séminaires et des congrégations. Il a coopéré pendant 4 ans en Avignon avec le délégué épiscopal pour Foi et Culture. Voir notre article sur l’île aux moines et Frère Grégoire
La poésie pour foudroyer
Aujourd’hui en dispense de vie communautaire, et à la disposition de la paroisse de l’île aux moines, outre la vie paroissiale, il met ses qualités de comédien au service de la Foi, au service de l’humain : « Ces spectacles, seul en scène, ne sont pas faits pour passer un message de foi. C’est pour servir l’humain par « la force insurrectionnelle de la poésie. » nous dit frère Grégoire. « La poésie est une manière de dire les choses qui laisse à celles-ci leur force pure. Qui leur laisse toutes les chances de nous atteindre. C’est pour foudroyer, sinon, ce n’est pas la peine. La poésie, c’est la brutalité de la beauté qui nous détache de tout ce qui est mort, endormi, convenu pour être pleinement homme. Parce que le plus difficile, c’est peut-être d’être humain. »
L’art, une perte de temps ?
Aristote affirmait que l’art, face aux urgences du monde, n’est pas une perte de temps. Il « contribue à éveiller dans le coeur de l’homme le sens de la recherche de la sagesse, parce qu’il éduque le sens de la gratuité. L’artiste cherche à contempler, à comprendre, à dire à travers le sensible quelque chose d’un absolu qu’il touche. L’art c’est réaliser la vérité d’une rencontre entre le monde sensible et son monde intérieur habité par une question, une recherche, un cri, un appel. »
Frère Grégoire cite encore Camus : »L’artiste dispose à la sagesse, parce qu’à travers son oeuvre, il exprime une nostalgie, une aspiration, une attente humaine.[…] il a su saisir et exprimer quelque chose qui habite le coeur de tout homme. »
Destiné aux relations internationales
Grégoire Plus, né en 1971 dans un milieu « artiste », se destinait aux relations internationales lorsque, à 23 ans, taraudé par « la question de Dieu », il a rejoint la communauté de Saint-Jean. Arrivé en Avignon en 2013, il s’est interrogé sur ce qui peut « parler directement au coeur de l’homme ». De cette réflexion est né son désir de « se mettre humblement au service d’une parole, d’une pensée ». La découverte de Christian Bobin à travers ‘l’homme-joie’ et ‘La plus que vive’ sera le déclic.
En 2013 il adapte « La Plus que vive » :
« La scénographie, réduite à sa plus simple expression, a un impact de taille: un éclairage intelligent plonge le visage de l’acteur dans le clair-obscur… Il irradie! Les mots de Bobin sont d’une justesse, d’une beauté poétique et cinglante« , écrit Jean-Christophe Gauthier dans le journal Avignon citylocalnews du 22/07/2013, après une représentation au festival Off d’Avignon.
« Ici Bobin n’est pas joué. Il est littéralement incarné en cet homme seul en scène, qui brille par sa totale simplicité. Une qualité trop rare que l’on a plaisir à goûter, tant dans la mise en scène épurée (une chaise, un musicien, quelques notes de musique,
le décor d’un salon) que dans l’équilibre du jeu. » écrira la journaliste Lise de Rocquigny, ancienne critique au Pariscope.
En 2014 & 2015, Frère Grégoire créé deux spectacles à partir de textes libres de droits : « du minuscule et de l’imprévisible » & « l’inépuisable est à notre porte ».
Le premier spectacle parle de « […] notre capacité souvent trop enfouie, d’étonnement, d’émerveillement, celle de l’enfant en nous, retrouver comment être nourris par le réel immédiat, banal, brutal, redécouvrir la splendeur banale du quotidien. »
Christian Bobin dira au Frère en 2014 au festival d’Avignon : « Vous donnez de la joie ! Je vous ai vu et je sais que votre visage, vos mains, tout votre corps rendra à mes phrases l’énigme et même la dureté dont elles ont besoin… »
Le second spectacle se compose d’une « suite de textes entrecoupé de musique blues qui, comme des tableaux, éclairent la vie quotidienne, banale et ses journées pâteuses, fiévreuses, lourdes… La mort, qui va tous nous prendre aussi innocemment qu’une petite fille qui cueille des fleurs dans un pré… La vie étonnée qui traverse les yeux des renards et des enfants punis, cette confiance déraisonnable en celui qui rentre dans les têtes pierreuses et les vies bétonnées de certitudes… car : « l’inépuisable est là : dans le quotidien, mais aussi dans la mort et dans la vie spirituelle… »
En 2016 : adaptation de « Louise-Amour »
Un amour-passion, à la fois céleste et charnel, face à l’humble quête de la grâce dans la splendeur des jours sans histoires…
L’esprit de ce texte: « Epier Dieu captif de l’adorable faiblesse des choses et des êtres. (…) Il n’y a que le ciel qui puisse nous lier les uns aux autres, jetant sur nos âmes assemblées par le hasard d’une rencontre, un filin de lumière… »
2017 : « Splendeurs infracassables des jours sans histoires »
« La vie, elle est si loin, elle est si proche, elle est partout, dans l’insolente fraicheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d’herbe, dans la cérémonie de fermer lentement les volets le soir, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue… tout est comme au premier matin du monde : donné. »
2018 : « Cette vie merveilleusement perdue à chaque seconde qui va »
Tous les jeudis et vendredis de juillet et août à 21 h
Presbytère de l’île aux moines
Durée 1h10
Réservations – sms : 07 86 55 67 62
« J’ai retiré beaucoup de choses de ma vie et Dieu s’est rapproché pour voir ce qu’il se passait. » Christian Bobin.