Sainte Anne, fille d’Israël, modèle d’espérance.
Le Peuple d’Israël, le Peuple de Dieu est le peuple de l’espérance. On peut dire que l’espérance ne l’a jamais quitté. Et le Catéchisme de l’Eglise catholique nous affirme que « l’espérance chrétienne reprend et accomplit l’espérance du peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l’espérance d’Abraham, comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié par l’espérance du sacrifice. Espérant contre toute espérance, il crut et devint le père d’une multitude de peuples » 1.
Une espérance qui est comblée en Isaac des promesses de Dieu, une espérance qui est purifiée par le sacrifice. Cette promesse de Dieu se trouve dès les origines, dès le livre de la Genèse, tout de suite après la chute, au chapitre 3 verset 15 : c’est ce qu’on appelle le protévangile, c’est-à-dire l’annonce d’une bonne nouvelle. Alors même que les effets du péché commencent à se faire sentir et que l’avenir s’annonce plutôt compliqué pour l’humanité, voici que Dieu fait une première promesse, s’adressant au
serpent « je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci t’écrasera la tête et tu lui blesseras le talon » 2 .
Par cette promesse au tout début de la Bible, Dieu promet qu’il ne nous laissera pas seuls dans le combat contre le mal, qu’un secours sera donné, dans la descendance d’Eve, et que la tête du mal sera écrasée.
Petite espérance, espérance ténue et pas très explicite mais espérance tout de même, qui permet de dire que l’espérance est comme « connaturelle à l’homme ». L’espérance a pour caractéristique de jaillir de l’intérieur de l’âme. Le Catéchisme de l’Eglise catholique nous ceci : « La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme ; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes ; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux ; elle
protège du découragement ; elle soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité » 3 .
Si la mystérieuse promesse, faite dès les origines par Dieu à l’humanité pécheresse, atteste que Dieu ne la laissera jamais sans espérance, c’est avec Abraham que commence vraiment l’histoire de l’espérance biblique. Dans un premier temps, l’avenir assuré par la promesse est simple : une terre et une nombreuse postérité. Pendant des siècles, les objets de l’espérance d’Israël resteront du même ordre terrestre : « la terre où coulent le lait et le miel 4 » comme le dit le livre de l’Exode. Toutes les formes de prospérité, les biens terrestres sont pour Israël les bénédictions Dieu, qui se traduisent par la prospérité et la
postérité. Les bénédictions de Dieu sont la réalisation de sa promesse, c’est donc une espérance qui repose sur les promesses de Dieu créateur et libérateur. L’espérance est vraiment placée en Dieu, en son action, en son accompagnement car il réalisera ses promesses. Cette confiance en l’avenir s’appuie sur l’expérience que le Peuple a pu faire d’être sauvé par Dieu lors de la sortie d’Egypte mais également et d’abord sur la foi en Dieu créateur du ciel et de la terre.
Pour le croyant, l’espérance est indissociable d’une fidélité concrète aux exigences de la loi de Dieu. Quand la fidélité à Dieu l’exige, ces biens terrestres doivent être sacrifiés sans hésitation comme nous le voyons dans le livre de Josué au moment de la prise de Jéricho, mais surtout dans le sacrifice d’Abraham, qui est un exemple d’espérance parfaite en la promesse de Dieu tout puissant 5 . De la part des fidèles, il s’agit de jouer le jeu de se laisser conduire docilement par Dieu. L’espérance d’Israël est subordonnée à sa fidélité à l’égard de Dieu.
Au fil des siècles, l’espérance d’Israël se purifie et se spiritualise. C’est l’espérance d’avoir le bonheur avec Dieu, de le contempler et de chanter sa gloire. L’espérance s’affine dans la prière. La prière est le lieu où s’exprime et se nourrit l’espérance. Le croyant expose à Dieu la situation qui menace sa vie pour lui demander d’intervenir, et pour cela, il se remémore les hauts faits de Dieu dans le passé. C’est le souvenir de tout ce que Dieu a fait dans le passé pour le bien de son Peuple qui nourrit son espérance dans ses interventions à venir. Le livre des psaumes est un bel exemple de cette forme de prière.
Dieu a tout tiré du néant, son intervention ne se limite donc pas à ce que nous pouvons voir et expérimenter de la création. Son action peut aller au-delà de ce que l’expérience nous permet de découvrir. Cette prise de conscience progressive tout au long de l’Ancien Testament va élargir l’espérance d’Israël à la mesure de la toute-puissance de Dieu et l’ouvrir à la perspective d’une rétribution dans l’au-delà de la mort terrestre. Le livre de Job, le livre de Daniel ouvrent à l’idée que la rétribution de Dieu ne se limite pas aux bénédictions terrestres de prospérité et de postérité. La prophète Daniel annonce bien pour les justes une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle. Et le livre des Martyrs d’Israël enseigne que Dieu donne la vie éternelle à ceux qui meurent pour lui. « Le roi du monde nous ressuscitera pour nous donner une vie éternelle à nous qui mourrons pour ses lois » 6 .
Enfin, au 1er siècles avant Jésus-Christ, le livre de la Sagesse peut affirmer « la vie des justes est dans la main de Dieu et nul tourment ne pourra les atteindre. Aux yeux des insensés ils passèrent pour morts et leur départ sembla un désastre, pourtant ils sont dans la paix. Même si selon les hommes ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité ».
Sainte Anne est l’héritière de cette espérance d’Israël et elle en est pour nous le modèle. Stérile comme Anne, mère de Samuel, elle donnera naissance à Marie de qui naitra le Fils de Dieu. La toute-puissance de Dieu permet la réalisation de ce qui nous est humainement impossible.
Lorsque sainte Anne, ici, apparait à Yvon Nicolazic, c’est le même miracle qui se réalisera : Guillemette qui était stérile lui donnera plusieurs enfants dont un prêtre ; et pour lui montrer qu’il n’y a pas de limite à la toute- puissance de Dieu, que ce qui est mort peut revivre, que ce qui est détruit peut être reconstruit, elle le chargera de rebâtir sa chapelle qui était en ruine depuis 924 ans et 6 mois.
Dans notre époque troublée, marquée par l’épidémie, la guerre, la crise économique, la perte des repères, la crise des valeurs, si nous voulons aller de l’avant, nous avons besoin, nous-aussi, de redécouvrir l’espérance. Elle est la vertu de la marche, l’élan nécessaire dans nos volontés d’hommes et de femmes quand nous voyons que nous atteignons nos limites, que nous ne pouvons plus avancer. Elle va plus loin que tout parce qu’elle est le moment où Dieu entre en scène. L’espérance repose sur la certitude que Dieu peut tout, qu’il nous mène là où nous ne pourrons pas aller parce que nous n’en avons pas la force.
L’espérance est cette vie qui jaillit du tombeau du Christ ressuscité, qui nous accompagne vers l’héritage céleste à travers les méandres plus ou moins douloureuses de notre vie.
Terminons cette méditation en disant l’acte d’espérance :
« Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde, et si j’observe vos commandements, le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous êtes souverainement fidèle dans vos promesses. »
1 CEC n°1819
2 Gn 3, 15
3 CEC n°1818
4 Ex 3, 8-17
5 Gn 22
6 2 M 7, 9