Le Père Hervé Perrot, nommé aumônier général du Secours Catholique Caritas-France

Délégué épiscopal à la Diaconie du Diocèse de Vannes depuis 2013, le Père Hervé Perrot a été appelé par les Evêques de France pour succéder au Père Dominique Fontaine, comme aumônier général du Secours Catholique-Caritas France. A 55 ans dont 25 de sacerdoce (tout juste fêtés), ce fils de sculpteur sur bois a le souci des plus fragiles chevillé au corps et au cœur. Rencontre. 

Enfant, au contact d’un père artisan-sculpteur, il s’ouvre à la beauté et au silence intérieur. Plus tard, il choisit de sculpter quant à lui les paysages. Son diplôme de paysagiste (jardin espaces verts) en poche, il s’investit aussi dans la musique bretonne (bagad de Vannes et de Lann Bihoué), comme « bidasse » puis jeune professionnel.
Il a 21 ans quand sa quête le conduit chez les cisterciens trappistes de l’abbaye Notre-Dame de Timadeuc. Après deux ans et demi de croissance spirituelle et de discernement, il entre au séminaire interdiocésain de Vannes.

Premières ébauches

L’ancien étudiant paysagiste aime abattre les cloisons et ouvrir les horizons ; à Locminé, sa paroisse d’insertion pendant ses années de séminaire et son année diaconale, puis à Lanester où il passe ses cinq premières années de prêtrise.  Le jeune prêtre se laisse façonné par les paysages humains des quartiers populaires où sévissent le chômage et la précarité.  « Nous avons monté des groupes rap, proposé de la relecture avec du hip hop, organisé des fêtes de quartier avec la mairie, les éducateurs… Des enfants aux grands-parents, il y a tellement de richesses quand on se met à fréquenter les personnes qui vivent dans ces quartiers dits difficiles ». L’inlassable jardinier dans l’âme y voit autant « de belles fleurs à cueillir » à condition d’ aller à la rencontre. Oser la rencontre,  c’est aussi se laisser poncer, râper…

« A ras du terrain »

Au près comme au loin … Envoyé comme prêtre fidei donum à 25 000 kilomètres des côtes bretonnes, le Père Perrot passera trois ans au service de l’Eglise de Nouméa. Si l’archipel dévoile ses époustouflants panoramas tropicaux, le Père Perrot plongera aussi dans l’envers de la carte postale : décor de tôle, paysage de cabanes dans les squats (bidonvilles calédoniens), immersion dans la culture Mélanésienne. A l’instar du bois, la famille humaine révèle ses innombrables essences ; ses bosses qui patinent le cœur et ses creux qui rabotent les a priori. « L’inculturation permet de découvrir la Bonne Nouvelle du Christ d’une autre manière que la culture bretonne. Ça ouvre un regard. Ça décentre ».

De retour dans le diocèse, il est nommé recteur de la paroisse saint Guen, implantée dans le quartier de Ménimur de Vannes. Entre autres chantiers pastoraux, il s’emploie à initier des échanges interreligieux. « Nous avons essayé d’être plus proches des plus lointains ».
Il se voit ensuite confier une mission nationale, comme aumônier de l’ACE pendant six ans, tout en assurant la fonction de délégué diocésain à la Mission universelle et à la pastorale des migrants.
En 2012, le Père Perrot rejoint le réseau saint Laurent à Lourdes, moteur de la démarche « Diaconia ». Il travaillera aux côtés du Père Dominique Fontaine, dans le staff de la liturgie, pour préparer ce grand rassemblement national « Servons la fraternité » à Lourdes en 2013. Le raz de fraternité est bien une lame de fond qui soulève l’Eglise, avec l’impulsion du saint Père. « Pour le Pape, la nouvelle évangélisation, c’est remettre au centre de l’Eglise la personne en fragilité. Ce sont eux qui nous évangélisent et qui nous enseignent ».

Raz de fraternité au cœur du réacteur

Au lendemain de « Diaconia », l’équipe épiscopale lui confie la mission de délégué épiscopal, chargé de mettre en œuvre la dynamique « Diaconie » dans le Morbihan. Il a donc consacré ces cinq dernières années à faire ressortir le veinage existant ou à le faire émerger au sein des communautés chrétiennes, en tous les cas à structurer une démarche qui parte des plus pauvres pour les mettre véritablement au cœur de l’Eglise. « Le sacrement du frère, cette fraternité à mettre en actes, à partir du plus fragile, est un enjeu pour l’Eglise et pour la société. La diaconie bouscule les lignes ; elle décloisonne même l’organisation ecclésiale ».


Comment avez-vous déployé la diaconie dans le diocèse de Vannes ?

Père H.P. : Nous avons travaillé avec tous les services, pour que grandisse la fraternité, dans l’esprit du lavement des pieds, ce service gratuit de l’autre qui est un service de désappropriation. Le point de départ, ce sont les personnes en fragilité. Par exemple, pour la pastorale familiale : comment partir des familles les plus fragiles, des mamans seules, des familles recomposées ? C’est valable pour la catéchèse, etc. Faire que les gens fréquentent ceux qu’ils ne fréquentent pas d’habitude, et sur lesquels on a mis une étiquette… Prenons la question des migrants : quand le migrant prend un prénom, un nom, une histoire, ce n’est plus pareil qu’au journal télévisé ! Même chose pour les personnes qui vivent dans la rue. Fréquenter même ceux qui sont infréquentables… On met ainsi nos pas dans ceux de Jésus mais ce n’est pas naturel, il faut le pousser !


Dès 2016, il intègre l’équipe nationale chargée par les Evêques de France de préparer les premières universités de la diaconie et de la solidarité qui se dérouleront l’année suivante (octobre-novembre 2017). Dans le diocèse de Vannes, comme partout en France, commencent à émerger des groupes « Place et parole des pauvres » : « des lieux où on puisse entendre, se laisser évangéliser et enseigner par eux. C’est leur parole qui rencontre la Parole de Dieu, développe le Père Perrot. Ils viennent nous nourrir ». 

Cheminer en Eglise et transformer la société

Dans cette dynamique, un mouvement comme le Secours Catholique a un rôle crucial à jouer : être dans l’Eglise moteur de la diaconie, avec et à partir de l’expérience des plus fragiles.  « L’enjeu aujourd’hui pour les mouvements ‘spécialistes’ – CCFD, Secours Catholique, Conférence saint Vincent de Paul – c’est d’aider nos communautés chrétiennes  à vivre ce sacrement du frère, à faire l’expérience du plus fragile, qui finalement est une expérience de Dieu et une expérience pascale ».
Le défi est de promouvoir cet esprit dans l’Eglise de France. « Ils font de plus en plus « avec » et commencent à faire « à partir de » c’est-à-dire à intégrer dans leurs lieux de décision des personnes qui ont galéré et qui se sont sorties de la précarité ». Ainsi le Secours Catholique tend à devenir tête de pont et médiateur.
En 2016, 70 ans après sa fondation par le Père Jean Rodhain, le Secours Catholique-Caritas France s’est doté d’orientations stratégiques pour dix ans (2016-2015) afin de participer activement à la transformation de la société : « Ensemble construire un monde juste et fraternel ». C’est pourquoi, dans la veine de la doctrine sociale de l’Eglise,l’association conjugue action de terrain et investissement dans le champ politique, en vue du bien commun. Il y a non seulement à porter cet ADN dans l’Eglise mais aussi à transformer la société pour qu’elle soit le plus fraternelle possible ».

« Passer de ‘faire pour’ à ‘faire avec’, et même ‘à partir d’eux’ : c’est le cœur de la diaconie ».

Comme souvent face à un nouvel horizon, joie et appréhension s’entremêlent. « Ma première « aventure » consistera à mettre mes pas dans ceux de l’équipe actuelle et de l’aumônier actuel. Ecouter, noter, … puis visiter les délégations ». Famille, éducation, développement intégral, accès au travail, migrations, dialogue interreligieux, … Les défis relevés par le Secours Catholique-Caritas France et ses 76 délégations locales sont nombreux.  Et il n’est pas question de « mettre un mouchoir » sur l’identité catholique du mouvement mais de puiser dans ces racines la sève capable d’irriguer les divers chantiers.  Sa mission d’aumônier général sera d’accompagner spirituellement les acteurs « dans la tripe de Jean Rodhain mais surtout en recevant la spiritualité des plus pauvres, de ceux qu’on dits « accueillis » mais qui a un moment donné sont acteurs, prennent leur place au sein du Secours Catholique et de l’Eglise » conclut le Père Hervé Perrot.