Chers frères et sœurs c’est aujourd’hui un jour de fête pour notre église diocésaine. Jour de
fête et d’action de grâce pour l’appel que le Christ adresse à Simon. Jour de fête et d’action de
grâce pour la réponse que Simon a décidé de donner à l’appel du Christ en lui faisant
l’offrande de sa vie à la lumière de l’évangile que nous venons d’entendre : « Celui qui ne
porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. »
Cher Simon, vous avez entendu l’appel du Seigneur pendant vos études. Votre formation au
séminaire vous a donné le temps de vous assoir comme l’homme qui voulait bâtir une tour
ou comme le roi qui voulait partie en guerre, pour peser le pour et le contre, pour évaluer
les forces en présence, avec l’aide de vos formateurs. Et éclairé par l’Esprit Saint sans lequel
nous disait le livre de la Sagesse dans la première lecture nous ne pouvons pas connaître la
volonté de Dieu, vous avez pu discerner et appel et lui donner aujourd’hui une réponse
concrète, une réponse généreuse, qui n’est rien de moins que le don de votre propre vie.
Votre ordination diaconale est une étape avant d’être ordonné prêtre. Vous vous engagez
aujourd’hui au célibat, à la prière quotidienne de la liturgie des heures et à l’obéissance.
En choisissant le célibat, vous acceptez de ne pas laisser une trace de vous-même dans le
monde à travers une descendance. Vous choisissez d’être ordonné pour laisser une trace de
Dieu. L’église a acquis très tôt la conviction que pour être prêtre, il faut donner ce
témoignage : être configuré au Christ pour exercer le ministère qu’il a exercé, pour
poursuivre son œuvre de salut dans le monde, suppose que nous le préférions à tout comme
nous l’avons entendu dans l’évangile. L’Ancien Testament déjà en donnait la préfiguration.
La prière consécratoire que je réciterai tout-à-l ’heure en vous imposant les mains en a gardé
le souvenir. Lorsque le peuple de Dieu entre dans la terre que le Seigneur lui a promise, 11
des tribus d’Israël se voient remettre à chacune sa terre en partage, son lieu, sa subsistance.
Seule la tribu de Levi, la tribu des prêtres ne reçoit pas de terre. Son héritage, c’est Dieu seul.
Le psaume 15 le chante : « J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre
bonheur que toi. De toi dépend mon sort. La part qui me revient fait mes délices, j’ai même
le plus bel héritage. » L’héritage du prêtre, le pays du prêtre, la vie du prêtre est déjà celle
du diacre ordonné en vue du sacerdoce, c’est DIeu. Dieu est sa terre, Dieu est son avenir. Le
diacre en disant que Dieu devient son héritage rend crédible pour les autres l’existence
même du Royaume de Dieu. Il en donne le témoignage non seulement par des paroles, mais
par ce mode de vie spécifique du célibat qui a été choisi par notre Seigneur lui-même.
Cette place centrale et essentielle de Dieu dans votre vie vous sera rappelée plusieurs fois
par jour de manière bien concrète par la liturgie des heures. C’est la prière de l’Église que vous direz en union avec tous les clercs et tous les consacrés, louant Dieu et intercédant
pour le monde. Elle vous rappellera jour après jour, heure après heure, que Dieu n’est pas
une idée mais l’être à qui vous avez donné votre vie et à qui vous devez vous rendre présent.
Savoir vous abstraire de vos occupations, même intellectuelles ou pastorales, de vos
relations, de vos conversations, pour vous tourner vers lui, sera la traduction vivante du Dieu
premier servi. Vous vous unirez ainsi à la prière incessante du Christ pour les hommes qu’il
est venu sauver.
Enfin dans une société où les droits de l’individu sont devenus illimités, ou la satisfaction
immédiate de tout désir tend à se substituer à toute norme et à la réalité elle-même au
risque d’une déconstruction totale de l’humanité, vous allez, Simon, promettre obéissance.
Obéissance à l’Église et tout spécialement à l’évêque et à ses successeurs. L’obéissance, c’est
débord le signe d’une désappropriation de soi, c’est la traduction concrète de votre donation
au Christ et à l’Église. Je ne m’appartiens plus, à la manière du Christ qui s’est fait obéissant
jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. Je ne m’appartiens plus à la manière du Christ qui s’en
remettait totalement à son Père. L’obéissance du diacre et du prêtre a pour cause et pour
modèle celle de Jésus ; et c’est pourquoi elle est toujours une obéissance filiale. Mais
l’obéissance est aussi le socle et le vecteur de l’unité.
L’Église, enseigne le Concile II dans la constitution Lumen Gentium, apparaît comme un peuple qui tire son unité de l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit. Elle est réellement le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. Voilà quel est
l’enjeu profond de l’obéissance à laquelle vous allez vous engager. Non seulement elle vous
permettra de voir plus haut et plus loin que vous ne pourriez le faire par vous-même mais
elle fera de vous le dépositaire et l’acteur du projet de Dieu de récapituler toute chose dans
le Christ. Ainsi votre engagement rejoint et rend possible le don qui vous est fait dans cette
ordination.
Ce don qui vous est conféré, vous le recevez gratuitement. Vous aurez à votre tour à le
donner gratuitement dans le ministère, sans attendre les éloges ou les remerciements. Votre
seule récompense sera d’accomplir la volonté de celui qui se lie toujours à vous dans le
sacrement.
Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui pour prier pour vous au moment où vous faites
ce pas décisif. Que la Vierge Marie, comblée de grâce, servante du Seigneur, modèle et
inspiratrice des serviteur de son Fils auquel vous allez être configuré, vous assiste toujours
de sa présence maternelle.