Dans son homélie prononcée à l’occasion de la célébration de l’appel décisif des catéchumènes, le premier dimanche de Carême, Monseigneur Centène a déployé le sens du combat spirituel, en s’appuyant sur « la belle leçon de catéchèse » donnée par l’Évangile du jour : les tentations de Jésus au désert. Nous la retranscrivons ici.
Le temps du Carême est le temps de la dernière préparation des catéchumènes avant le baptême qu’ils recevront pendant la Vigile pascale. Ils reçoivent aujourd’hui l’appel décisif, l’appel officiel de l’Église qui les accueille à recevoir le baptême.
L’Évangile des tentations au désert est une très belle leçon de catéchèse pour se préparer au baptême ; il nous montre en quoi consiste le combat spirituel, dans lequel le Peuple d’Israël a échoué dans le désert, dans lequel nos premiers parents ont échoué (1ère lecture) ; ce combat dont Jésus est vainqueur, combat dans lequel chaque catéchumène et chaque chrétien est engagé.
Jésus est conduit au désert après avoir reçu le baptême. Le Carême est le temps privilégié pour ce combat spirituel et ces trois tentations décrites par saint Matthieu sont permanentes.
Notre relation à la matière
La première porte sur le pain. C’est la tentation la plus banale, elle porte sur notre relation aux choses : posséder, manger, satisfaire nos instincts. Tout cela est parfaitement normal mais tout cela dans la vie nouvelle des baptisés doit être maîtrisé, faute de quoi nos faims corporelles peuvent devenir nos maîtres et faire de nous des esclaves. La première tentation, ce pourrait être aussi de s’imaginer que l’homme pourrait aller au bout de ses désirs, au bout de ses souhaits, au bout de ses ambitions par le simple moyens des progrès techniques, par des structures économiques, par des structures politiques : « que ces pierres deviennent du pain ». Mais la vraie vie de l’homme n’est pas là et Jésus répond au tentateur : l’homme ne vit pas seulement de pain. L’homme ne se limite pas à ses désirs corporels. C’est un univers spirituel qui s’offre à lui. Et cet univers spirituel est beaucoup plus important que les désirs de la matière.
Pendant ce Carême, nous pourrions à la suite de Jésus et avec sa grâce, essayer de nous rassasier de ce qui est essentiel, la Parole de Dieu, et de faire taire, de maîtriser – c’est le but du jeûne – nos faims corporelles, notre chair, et de nous adonner davantage à la prière, à la recherche des biens spirituels qui nous sont promis.
Notre relation avec les personnes
La deuxième tentation, c’est celle du pouvoir : « si tu te prosternes devant moi, …». Elle est beaucoup plus grave que la première parce qu’il ne s’agit pas simplement de pervertir notre rapport à la matière mais de pervertir notre relation avec les personnes. Cette tentation consiste à ne percevoir les autres que par rapport à soi : dominer, exercer le pouvoir, écraser les autres. Et pour pouvoir faire cela, accepter de se prosterner soi-même devant plus grand que soi, au mépris de notre propre dignité. Celui qui bafoue la dignité des autres, c’est déjà qu’il a perdu la sienne. Jésus lui-même a été tenté d’être un roi à la manière des royaumes de la terre, en exerçant le pouvoir selon les habitudes des puissants de ce monde. Et plus tard, il dira à ses disciples : « les grands de ce monde font peser leur pouvoir ; parmi vous, qu’il n’en soit pas ainsi mais que celui qui veut être le plus grand soit le plus petit et le serviteur de tous ». Pour nous redire le juste rapport entre les personnes, Jésus rappelle le premier commandement : « c’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ».
Pendant ce Carême frères et soeurs, essayons de retrouver la vérité dans nos relations avec les autres en retrouvant le sens de l’adoration : « tu te prosterneras devant Dieu seul et c’est lui seul que tu adoreras » ; si nous apprenons à nous situer humblement devant Dieu, à adorer sa présence, à goûter sa transcendance, alors du même coup, nous apprenons quelle est noter juste place par rapport à Dieu, et par rapport aux autres. Si nous adorons Dieu, nous apprenons à servir les autres au lieu de chercher à les dominer.
Notre relation avec Dieu
La troisième tentation est sans doute la plus grave de toutes car il ne s’agit plus de pervertir notre rapport à la matière, il ne s’agit plus de pervertir notre rapport avec les autres mais il s’agit de pervertir notre rapport avec Dieu lui-même : mettre Dieu à l’épreuve, mettre Dieu en demeure de faire ce qui nous plaît, sommer Dieu de faire réussir nos projets les plus fous, nos entreprises les plus folles, les plus anormales : se jeter du pinacle du temple et dire « Dieu me sauvera » et puis l’accuser de ne pas nous avoir aidés : « si tu es Dieu, fais ceci », « si tu existes, fais cela ». C’est la tentation de provoquer Dieu, de le faire obéir à nos désirs. C’est considérer que ce n’est plus Dieu qui est le centre mais que le centre, celui à qui tout doit se référer, c’est nous.
Marcher dans la vie nouvelle des enfants de Dieu
Pendant ce temps de Carême frères et soeurs, apprenons à nous décentrer de nous-mêmes pour nous tourner résolument vers Dieu, pour apprendre à faire sa volonté et non la nôtre, parce que sa volonté nous libère alors que notre volonté ne fait que nous asservir. Mais pour cela, nous avons besoin que le Seigneur nous donne part à Son Esprit. Le début de l’Évangile nous disait « Jésus fut conduit au désert par l’Esprit ». Demandons au Seigneur qu’Il nous donne Son Esprit, que son Esprit habite notre coeur et nos désirs pour que nous puissions toujours marcher dans la vie nouvelle des enfants de Dieu, reçue au baptême.