L’Ile aux moines avec Frère Grégoire Plus

Frère Grégoire Plus est prêtre à l’île aux moines depuis 2016. Membre de la communauté saint Jean, il est en dispense de vie communautaire, et peut ainsi animer la vie paroissiale et pastorale de l’île. Pour le plus grand bonheur des paroissiens, estivants ou insulaires. Rencontre.

Prendre le bateau pour l’île aux moines n’est pas compliqué en période estivale : les navettes accostent toutes les 10 minutes à Port-Blanc, sur la commune de Baden ! Sur place, les trajets se font en vélo principalement.

D’après Frère Grégoire, il faut distinguer au moins trois sortes de paroissiens sur l’île : les îliens de souche, les îliens à l’année – retraités ou travaillant sur l’île ou le continent -ceux qui viennent pendant les vacances (Toussaint, Noël, Pâques, été) et les touristes occasionnels, avec des spiritualités extrêmement diverses. Ainsi, sensibilités protestantes, orthodoxes, communautaires de l’Emmanuel, chrétiens d’Orient ou chrétiens de sensibilité plus « traditionnaliste » se côtoient, « ce qui rend la paroisse complexe, mais d’une très grande richesse » nous dit Frère Grégoire.

« Après presque deux ans pleins, des mariages, des enterrements de figures de l’île, je crois avoir pu rencontrer tout le monde, en tous cas tous me connaissent, les gens me parlent assez simplement , me prennent à partie, se confient. Globalement l’été est la grande période d’apostolat, l’hiver je profite de grandes journées de silence.  » Car l’été, l’île voit sa population multipliée par 10, de 650 à 6500. Pour les insulaires, il y a le « continent », la France, et puis il y a l’île. « C’est une petite corse ici » nous dit le Frère. « Il n’y a pas de gendarmes pendant l’année… les gamins roulent comme des fous et peu portent un casque… L’été tout le monde en remet un. »

Depuis l’arrivée du Frère en 2016, la vie paroissiale s’est intensifiée

Interrompue quelques mois après le départ en retraite du père Joseph (qui est resté 27 ans sur l’île), elle a redémarré avec dynamisme, réjouissant plus d’un paroissien ! La messe est dite tous les jours, en communion avec le curé-recteur, le père Arnaud Calonne, doyen des 5 paroisses d’Arradon, Ploeren, Larmor-Baden, Baden et l’île-aux-moines.

« Frère Grégoire remplit l’église », confie Sophie, paroissienne de longue date. « Le père qui était là avant était âgé. Aujourd’hui, l’engagement de frère Grégoire donne un dynamisme à la paroisse, que nous attendions. » Son mari, Jean-Marc, complète : « Il y a un renouveau spirituel. C’est une vraie chance ». Ou la Providence…  Pierre, retraité à l’île aux moines avec son épouse, raconte qu’avec un petit groupe de paroissiens (une trentaine !), ils ont beaucoup prié pour qu’un nouveau prêtre arrive sur l’île. Si vous y allez, tentez de le retrouver et demandez -lui de vous raconter l’histoire de cette arrivée « voulue par le Seigneur, cela ne fait aucun doute… » !

Les initiatives pastorales se multiplient

Temps de prières dans l’oratoire aménagé au presbytère, pique-nique partagé tous les dimanches au presbytère, jardin potager de permaculture, soirées à thème ou partage d’Evangile pendant les  temps liturgiques forts de l’année, messes au bord de l’eau ou dans la nature suivies d’un pique-nique et d’une baignade, journées paroissiales avec brocante, buffet, soirée pour les jeunes – sans les parents – procession pour la sainte Anne, messe à l’Ehpad, service de communion auprès des malades, catéchisme, etc… !

Il faut inciter les paroissiens à être évangélisateurs

…mais aussi à vivre dans la fraternité, à s’investir, à développer sa vie de Foi par la prière et les sacrements.  « Il y a un nouvel esprit à donner » explique Frère Grégoire. « Les habitants doivent s’approprier leur vie chrétienne, surtout avec la diminution du nombre de prêtres, et apprendre à vivre une vie de communion et de charité fraternelle toujours plus intense, que nourriront les sacrements (…) L’Esprit du Christ, c’est un esprit nomade, » continue-t-il, « témoigner du don définitif du Père comme saint Vincent Ferrier ou Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, pas un esprit ‘installé’. Pour ça, la recherche de Dieu doit être continuelle, dans un esprit de renouvellement constant. »

A la question comment alliez-vous apostolat et règle de vie religieuse, contemplation-action, Frère Grégoire répond

« Pour moi tout est lié, la contemplation doit être présente autant dans des moments de prière que dans la vie ‘ordinaire’, que dans nos rencontres. C’est d’abord de cultiver une soif et une attente de quelque chose qui ne vient pas de nous. Comment une épreuve, une lutte, une demande de services est toujours à recevoir comme une initiative de Dieu qui va me faire entrer dans quelque chose qui n’est pas à ma taille, qui n’est pas de moi. Et l’oraison, qui est la première manière de prier de la vie contemplative,  c’est de prendre un temps complètement gratuit, à la plage, dans la nature, à la chapelle, … en présence de Celui qui est toujours présent en moi et qui m’attend. C’est un temps donné à l’Esprit-Saint pour qu’Il puisse faire son oeuvre entièrement. » « Je brûle du temps gratuitement pour Lui, même sans rien sentir. » 

En l’écoutant parler, on devine le poète pétri de métaphysique et de foi

…qui aime déclamer des paroles profondes, paroles qu’il vit lui-même pleinement. Car frère Grégoire Plus est comédien, mais pas pour n’importe quel théâtre : celui de la poésie de la vie ordinaire. « Je ne joue pas un rôle, je vis ce que je dis, »  à l’école du théâtre russe avec son ami le comédien Michel Sigala qui l’a formé : « pas d’artifice, le théâtre russe c’est celui de la vie. » Il s’est bien retrouvé dans les textes de l’écrivain- poète Christian Bobin, qu’il a découvert par hasard au détour d’un voyage. « J’ai tout de suite aimé car il a un regard simple et mystique à la fois, contemplatif. » Et de rajouter : « C’est ce dont les baptisés manquent le plus : un esprit contemplatif, qui n’est autre que le regard du nouveau-né toujours émerveillé devant les miracles de la vie ordinaire. »

Depuis, il met en scène les textes de celui-ci, dans des spectacles « seul en scène ». Voir notre article

« Je choisis mes textes en fonction de ce que je porte intérieurement. Ainsi, chaque année un nouveau texte. Je me nourris de la vie dans sa banalité, sa dureté, et ce qu’elle cache de mystère pour trouver la vraie manière de donner ces mots. Chercher à être très pauvre pour se mettre au service d’un texte déjà écrit, c’est une bonne école pour écouter la Parole de Dieu. »

« Ceux qui viennent à ces ‘seuls en scène’ sont là pour ‘manger de la lumière’ de façon ludique : ce n’est ni un sermon, ni du caté, mais c’est ouvrir la fenêtre sur la lumière qui habite nos vies et qu’on ne voit plus du fait de nos soucis, de notre quête d’efficacité, de nos pensées folles. Les mots de Christian Bobin sont un nectar, une joaillerie, une brûlure aussi, comme des flèches acérées qui réveillent une soif. Avec lui, on retrouve l’esprit d’enfance, on réapprend à s’étonner, à s’émerveiller, « à entrevoir ce très faible et très sûr sourire tourné vers nous. »

« Je sors de scène vidé et ma plus belle récompense c’est quand quelqu’un repart souriant, ému, brûlé de lumière ».

Polluer le monde en Bien

« Je travaille ces textes aussi pour m’en nourrir« . Pour Frère Grégoire, tout chrétien devrait être d’un égoïsme foncier, dans le sens où « tout ce que l’on peut acquérir pour nous -même, on l’acquiert pour le monde entier (…) Et, avant la pollution matérielle dont on prend conscience, il y a une pollution bien plus importante qui est ‘spirituelle’ : si on comprenait qu’on peut ‘polluer’ le monde en Bien, en se lavant la tête à coup de seau de javel de lumière ! ». 

Questions à Frère Grégoire Plus

Biographie

Frère Grégoire Plus, né en 1971, est prêtre depuis 12 ans, et religieux depuis 24 ans. Originaire de Lisieux, il se destinait aux relations internationales avant d’entrer à la communauté des Frères de Saint Jean. D’abord missionnaire en Lituanie auprès des enfants des rues, il a enseigné en Asie pour des séminaires diocésains, congrégations ou des universités, aux Philippines, en Papouasie, à Singapour, Manille, Malaisie, Inde puis en Europe.  Très attaché à la petite Thérèse – « elle fait partie de ma vie » – il porte une relique d’elle en permanence autour du cou.

En 2003, Frère Grégoire a rejoint le festival Off d’Avignon en participant à la programmation de Présence Chrétienne, coopérant pendant 4 ans avec le délégué épiscopal pour Foi et Culture.

Aujourd’hui, il anime la vie paroissiale de l’île et continue d’être fidèle à sa vie religieuse, tout en donnant des représentations de « Seul en scène » là où on le demande. En savoir plus