dans les églises et chapelles du diocèse de Vannes
Si les Évangiles ne nous disent rien de sainte Anne, les peintures, vitraux et mosaïques des églises et chapelles, réalisés par les artistes au fil des siècles, relatent les différentes étapes de la vie de la grand-mère de Jésus.
Sainte Anne est priée partout en Bretagne et dans le monde ; mais que sait-on de sa vie ? Les Évangiles n’en parlent pas. Dès le IIe siècle, un ouvrage apocryphe, intitulé Nativité de Marie : révélations de Jacques, cherche à défendre la pureté de la Vierge dès sa conception, en racontant la sainteté de ses parents. Ce récit connaît au cours des siècles diverses réécritures – comme L’Évangile de l’enfance du Pseudo-Matthieu » – compilées à partir du XIIIe siècle dans la célèbre Légende dorée du dominicain Jacques de Voragine, qui fut, pour les artistes du Moyen-Âge, la source principale de la représentation des vies de saint.
Le premier épisode relevé par les artistes dans les cycles biographiques de sainte Anne évoque la longue stérilité de vingt ans des époux Anne et Joachim, qui vaut à Joachim d’être rejeté par le grand prêtre lorsqu’il vient au temple présenter son offrande. À la suite de cette humiliation, Joachim s’enfuit dans la montagne pour retrouver les bergers qui gardent ses troupeaux. Là, il reçoit la visite d’un ange lui annonçant la conception prochaine d’un enfant. Sainte Anne reçoit la même visite, chez elle, et la promesse se réalise après les retrouvailles des époux à la Porte dorée de Jérusalem. On montre ensuite la nativité de Marie, sa présentation au Temple, et le mariage de la Vierge où ses parents sont parfois présents. Chacun de ces évènements est devenu, dans la tradition artistique chrétienne, un motif de représentation, en particulier en Orient, dès le XIe siècle, dans les grands cycles narratifs de peinture ou de mosaïque qui ornent les murs des églises, puis dans les livres d’heure ou d’homélies, icônes ou retables portatifs.
Les cycles peints du XVe
En Morbihan, le plus ancien des cycles narratifs de la vie de sainte Anne et la Vierge se trouve peint sur les murs du transept sud de l’église du Guerno. Malgré l’altération de ces peintures du début du XVe siècle, restaurées en 2009, on discerne quelques scènes classiques comme les apparitions de l’ange à Anne puis à Joachim sur le mur est, et la présentation de Marie au Temple sur le mur ouest.
Les voûtes peintes au XVe siècle à l’église de Kernascleden sont plus connues. Le cycle de la vie de la Vierge, qui illustre en réalité le mystère de l’Incarnation, est introduit par cinq figures délicatement colorées détaillant avec grâce les origines de Marie : la disgrâce de Joachim, l’annonce de l’ange à chacun des deux époux, leur rencontre à la Porte dorée qui ressemble à une petite chapelle, et la présentation de Marie au Temple.
À la basilique Sainte-Anne-d’Auray, c’est en l’introduisant par un arbre de Jessé que Maurice Rocher soulignera, dans des vitraux qui colorent le chœur depuis 1973, que son cycle sur la vie sainte Anne et de la Vierge représente en réalité l’Incarnation. Les mêmes scènes apparaissent dans le marbre, sous le ciseau du sculpteur Alexandre Falguière (1831-1900) juste devant, à l’autel sainte Anne.
Les vitraux du XIXe
À cette époque, les peintres prennent quelques libertés, en retenant des épisodes plus rarement représentés. À la chapelle Sainte-Anne de Saint-Nolff, les baies d’Eugène Oudinot (1827-1889) offrent un condensé de la vie de sainte Anne en quatre épisodes. Son mariage avec Joachim où apparait sa mère Emerentia, et sa mort, encadrent les épisodes plus classiques de la double annonce de l’ange et de la Présentation de Marie. À la chapelle Sainte-Anne d’Elven, Joseph-Prosper Florence, directeur d’un atelier de Tours, signe en 1902, six baies qui présentent, après les épisodes classiques, deux scènes plus originales : une Sainte Parenté avec sainte Anne portant l’Enfant Jésus, et l’Enfant Jésus bénissant sa grand-mère mourante.
Mosaïque du XXe
Mais l’ensemble le plus original se trouve dans l’église de Riantec, entièrement décorée de vitraux et de mosaïque par la famille Mauméjean, dans les années 1930-1950. Tandis que l’autel du bas-côté gauche montre, devant une fresque du sanctuaire de Lourdes, la Sainte Famille de Nazareth et une Annonciation, celui du bas-côté droit, en parallèle, présente des scènes inédites de la vie de sainte Anne. Le mur du fond, peint à fresque sur ciment rehaussé de mosaïque, évoque le sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray, avec ses monuments, les apparitions à Nicolazic et les processions du pèlerinage. Le retable de l’autel porte une Nativité de Marie à laquelle assiste la Trinité, apparition divine généralement réservée à son couronnement et non à sa naissance. Quant au devant d’autel, il représente Charlemagne découvrant en 792 le corps de sainte Anne, enterré à Apt.
Là où elle est représentée, la vie de sainte Anne révèle la dévotion dont elle a fait l’objet au long des âges, mais contribue surtout à rendre plus proche et plus humain ce Dieu qui s’incarne, en partie grâce à elle, dans une lignée humaine. <
Irène de Château-Thierry, Commission diocésaine d’art sacré
dans Chrétiens en Morbihan – décembre 2022 – n°1524