Journée de prière et de mémoire pour les personnes victimes de violences
et d’agressions sexuelles dans l’Église
« Témoins pour une vie nouvelle », journée nationale de prière
Éclairage du Père Jean-Yves Le Saux, vicaire général du diocèse de Vannes
Le Service National pour la protection des mineurs, de la Conférence des Evêques de France (CEF) propose aux paroisses et communautés de France de vivre une journée mémorielle en faveur des victimes d’abus dans l’Eglise, le 3ème dimanche de Carême, 20 mars 2022.
Contexte
Ce 3e dimanche s’inscrit dans l’appel à la conversion qui irrigue la marche vers Pâques. Durant ce dimanche, les catéchumènes sont invités à vivre le 1er scrutin qui les oriente vers la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne. L’évangile du jour proclamé sera alors celui de la rencontre entre Jésus et la Samaritaine (Jn 4).
Faire mémoire
Faire mémoire pour les personnes victimes d’abus fait entendre l’appel à la lucidité devant son péché personnel et collectif, à ne pas refuser le chemin de conversion comme itinéraire de retour vers Dieu, à accueillir la grâce de devenir témoin pour une vie nouvelle.
Des propositions multiples
La Conférence des Evêques de France met à disposition des paroisses un dossier liturgique afin d’organiser cette célébration ou temps de prière, et propose plusieurs repères afin de ne pas détourner le regard, se reconnaître appelé à la conversion et accueillir la vie nouvelle qui surgira à Pâques.
Pour ce faire, plusieurs propositions permettront aux diocèses et aux communautés locales de s’approprier la démarche et de la vivre selon leurs possibilités, le 3e dimanche de Carême ou dans la plus grande proximité de cette journée. Chaque communauté pourra vivre l’une ou l’ensemble
des propositions.
Les initiatives
Les initiatives liturgiques proposées demandent à être adaptées en fonction des lieux disponibles, des conditions pastorales et en visant à associer des personnes victimes ou des accompagnants, selon les lieux et les possibilités. Une attention particulière sera manifestée aux personnes victimes qui pourraient être présentes.
Trois types de célébrations peuvent être envisagées :
1) messe du 3e dimanche de Carême C,
2) chemin de croix,
3) célébration de prière.
Prière du temps mémoriel (Lourdes, 6 novembre 2021)
Ô Dieu que nous osons appeler « notre Père », pardonne-nous. Tu mets ton Église à nu, comme jadis Jérusalem, mise à nu à cause de ses crimes.
Nous pensions être préservés par la sainteté de ton Fils et le sacrifice qu’il a remis entre nos mains.
Nous découvrons que nous sommes capables, nous tes ministres, nous que tu as appelés et choisis, de profaner ton don le plus ultime, de transformer en un système humain de dégradation, de mépris, de mort, le don jaillissant de ton Esprit.
Pardonne-nous de n’avoir pas compris combien le pouvoir que tu donnes exige de nous une clarté sans faille. Pardonne-nous d’avoir pris ta miséricorde pour une tolérance devant le mal.
Relève-nous, nous t’en prions. Refais nos coeurs. Inspire-nous comment aller vers celles et ceux que nous avons humiliés, négligés, blessés, abandonnés.
Relève les personnes qui souffrent, nous t’en supplions à genoux. Donne-nous de les écouter et de faire ce qu’elles nous demandent.
Ô Dieu que nous osons appeler « notre Père », pardonne-nous. Refais nos coeurs.
Inspire-nous comment aller vers celles et ceux meurtris et humiliés que nous avons négligés et abandonnés. Donne ta joie à celles et ceux à qui nous avons manqué, nous que tu as établis pour porter ta parole de grâce et qui avons failli.
Tu nous as appelés à enseigner, apprends-nous à écouter.
Tu nous as appelés à sanctifier, dépouille-nous de toute appropriation, que ta grâce nous maintienne en perpétuelle conversion.
Tu nous as appelés à gouverner, purifie-nous de tout goût du pouvoir, libère-nous de toute peur, à commencer par celle de perdre.
Dieu de justice et de miséricorde, Dieu de vie et de paix, prends-nous en pitié, viens au secours de notre humanité.
Texte de Mgr Éric de Moulins-Beaufort
(Lourdes, 6 novembre 2021)
Petit enfant qui pleure,
Petit garçon qui t’en étais allé servir la messe, plein de fierté, petite fille qui allais te confesser le coeur plein d’espérance du pardon, jeune garçon, jeune fille, allant tout enthousiaste à l’aumônerie ou au camp scout. Qui donc a osé souiller votre corps de ses grosses mains ? Qui a susurré à votre oreille des mots que vous ignoriez ? Qui vous a imposé cette odeur qui vous imprègne ? Qui a fait de vous sa chose, tout en prétendant être votre meilleur ami ? Qui vous a entraîné dans son secret honteux ?
Petit enfant qui, à jamais pétrifié, pleure sous les voûtes d’une cathédrale, petit enfant des centaines de milliers de fois multiplié !
Quelqu’un t’a photographié. Il permet à beaucoup de te voir, de te regarder. Quelqu’un s’est reconnu en toi, a vu en toi l’image de sa destinée brisée, ravagée. Quelqu’un, en te découvrant un jour, a trouvé en toi un frère ou une soeur grâce à qui il allait pouvoir exprimer ce qu’il portait en secret, ce que tant et tant ont porté et portent sans trouver de mots pour le dire, sans trouver, et moins encore, de coeur pour les écouter.
Petit enfant qui pleure sur un pilier d’église, là où tu devrais chanter, louer, te sentir en paix dans la maison de Dieu, nous te regardons.
Désormais, nous passerons devant toi en te voyant, en t’écoutant. Ô enfant bafoué, enfant humilié, enfant profané qui survit au fond de tant d’adultes ou adolescent suicidé, nous voulons apprendre à te regarder et à entendre le cri muet de ta souffrance.
Petits garçons, petites filles qui pleurez cachés dans les adultes que tous voient, adolescents murés en un silence qui vous a été imposé, nous vous devons cela. Nous vous le devons sous le regard de l’humanité, sous le regard de notre conscience, sous le regard du Christ notre Seigneur, que vous vouliez chanter de toute votre âme, de tout votre être, et devant qui à jamais vous pleurez.
Il est trop tard pour que nous puissions essuyer vos larmes. Il ne l’est pas de nous souvenir de vous. Votre image placée sous nos yeux, nous voudrions qu’elle imprègne nos âmes. Désormais, je ne peux entrer dans une église, pour y célébrer le mystère de la vie et de l’amour plus forts que la mort, sans porter le stigmate de votre visage qui pleure, si pauvre, si touchant, si seul, si désemparé, et si digne surtout. Tout le bien du monde ne rachète pas les pleurs d’un enfant.
Petit enfant qui pleure, petite fille, petit garçon, adolescente, adolescent, moi, Éric, évêque de l’Église catholique, avec mes frères évêques et les prêtres et les fidèles qui le veulent bien, j’implore de Dieu en ce jour qu’il m’apprenne à vous être fraternel. « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits
qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »