Le sanctuaire Notre-Dame du Roncier a accueilli hier, dimanche 24 octobre 2021, les agriculteurs, familles et amis venus prier pour ceux partis trop tôt, par accident, par choix, ou par maladie.
Une prière à Notre-Dame était proposée au départ de la procession, à la fontaine miraculeuse, animée par le diacre Yves-Marie Kindel. Puis, une petite vingtaine de personnes a récité le chapelet à travers les rues de Josselin, au milieu des maillots roses de la course « la josselinaise », qui se déroulait le même jour. Elle était escortée par les gendarmes assurant la sécurité. La prière du chapelet s’est ensuite prolongée à la basilique, devant Notre-Dame du Roncier, introduisant la messe dominicale.
Intercession de la Vierge Marie
« Je suis heureux de vous accueillir en ce jour où nous faisons monter notre prière pour tous ceux et celles de nos campagnes, défunts trop tôt comme l’on dit pudiquement, pour tous ceux que la détresse a accablé », entame le père Jérôme Sécher, recteur de la basilique, en introduction de la messe. « Ensemble, nous sommes venus, par l’intercession de la très Sainte Mère de Dieu, les confier à la tendresse et à la miséricorde du Seigneur. […] Nous demandons avec confiance de grandir dans l’Espérance et dans la Foi.«
Tout faire pour apaiser les souffrances, et crier vers Dieu
Une basilique bien remplie, avec près de 180 personnes, pour cette messe dominicale. « Comme Jésus, nous avons à faire tout pour apaiser les souffrances de nos frères, et spécialement les souffrances de ceux qui nous réunissent aujourd’hui« , dira dans son homélie Marc Jouan, diacre, délégué épiscopal à la diaconie.
« Les agriculteurs sont de plus en plus dépendants des instances européennes. Dans ce contexte, les processus de précarisation et de marginalisation s’installent ». « Il y a un sentiment de harcèlement par l’administration. » « Les plus fragiles sombrent ». « D’après l’INSEE, les agriculteurs travaillent 55 heures en moyenne par semaine. »
« Mais nous savons que Jésus ne fait jamais uniquement les miracles pour les corps. Il vient nous sauver du mal. Il vient nous dire qu’il y a un aveuglement beaucoup plus grave que celui des yeux : celui du péché. » « La prière est un cri vers Dieu » « Est-ce que nous aussi nous crions, pour nous-même et pour le monde aussi ? » Prenant appui sur l’évangile du jour, le diacre exhorte : « Criez ‘Jésus prend pitié de moi !’ Il vous entendra et vous dira à vous aussi : Ta foi t’as sauvé. » « Il nous faut nous poser cette question : de quoi avons-nous besoin d’être sauvé ?«
Une journée en action de Foi, d’Espérance et de Charité
« Il y a encore beaucoup de suicides chez les agriculteurs « , nous dit Jacques Jeffredo, agriculteur et membre du comité organisateur. « Je reçois fréquemment des coups de fil de personnes qui sont dans la détresse, hier soir encore. » « Cette journée est avant tout une action de foi, d’Espérance et de charité. On prie pour les malades, et pour ceux qui sont dans la difficulté. On prie pour que les familles retrouvent la paix, car souvent elles s’accusent des drames et se demandent pourquoi elles n’ont rien vu. Les familles se sentent coupables, alors qu’elles n’ont pas à l’être. On prie pour que Notre-Dame les aide.«
Des personnes d’autres régions n’ont pas pu se rendre présentes aujourd’hui, de Toulouse, de Mayenne, et d’ailleurs. « Mais l’important c’est qu’elles prient et qu’elles aident ceux qui en ont besoin, » nous dit Jacques Jeffredo. Le SAMU social de Toulouse a fait parvenir pour cette journée une gerbe de fleurs, qui a été déposée au pieds de l’autel, avec la gerbe de blé du comité organisateur.
Lucie, 30 ans
» Aujourd’hui je suis là en hommage à mon papa« , nous confie Lucie, 30 ans. « Il est décédé au mois de juin dernier d’un cancer qui a duré 5 mois« , « et pour aider maman à surmonter cette épreuve. Nous avions perdu également un oncle agriculteur qui s’est suicidé il y a douze ans. » La Foi, ils l’ont toujours eue dans la famille. « Mon papa était très attaché à la Vierge Marie« . « Mais quand il est parti, nous avons eu du mal à continuer à prier. » Aujourd’hui, c’est un peu de paix et de fraternité que Lucie et sa maman sont venues chercher. « Notre papa a rejoint la Vierge Marie, et il est notre ange gardien de là-haut, maintenant.«
Nathalie et son mari, agriculteurs
« Ces journées sont importantes pour rencontrer et soutenir les familles de ceux qui sont partis trop vite. On ne s’en rend pas toujours compte, mais c’est un secteur où il y a beaucoup de souffrances. Et puis il y a une belle trame à cette journée : on commence par l’Eucharistie, puis ce temps fraternel du pique-nique, et enfin la conférence, très intéressante. »
« Je viens aussi pour avoir un peu plus de réponses sur tout ce qui est occulte, pour pouvoir les apporter à d’autres autour de moi« , complète son mari.
Jean
Jean, ancien agriculteur, a été touché, « choqué » nous dit-il, par le suicide d’amis. Catholique pratiquant du secteur de Josselin, il est venu pour prier pour eux. « C’est la première fois que la journée a lieu ici, ça aurait été dommage de ne pas venir.«
Véronique et Bruno
Ils sont venus de Remungol avec deux de leurs filles. Bruno et Véronique sont agriculteurs, et lui est investi par ailleurs dans une coopérative ainsi qu’à la chambre d’Agriculture du Morbihan.
Ils ont un voisin qui est parti de cette manière brusque. « Nous sommes affectés par la détresse qu’il peut y avoir chez certains agriculteurs », nous dit Bruno. « On se demande ce qu’on pourrait faire, en tant qu’agriculteur mais aussi responsables [à la chambre d’agriculture – ndlr]. » « C’est par fraternité et solidarité que l’on vient« , ajoute Véronique.
« Quand les problèmes professionnels se combinent avec les problèmes financiers, cela aggrave les problèmes familiaux, » continue Bruno. « Il est très délicat d’intervenir, on ne sait pas comment faire. Les personnes en difficulté ne le montrent pas. » « Il y a beaucoup de pudeur dans les campagnes » ajoute Véronique. « Ce ne sont pas les gens qui pleurent, qui passent à l’acte », enchérit l’agriculteur. « Ce sont les personnes qui sont à côté de soi et qui un jour passent à l’acte. Et on se dit : mais qu’est-ce que j’aurais pu faire, je n’ai rien vu, je n’ai rien fait. » C’est aussi pour cette souffrance-là que cette journée existe.
« Dans notre métier » continue Bruno, nous essayons de prendre en compte notre foi, et de mettre les priorités dans l’ordre, en essayant de ne pas avoir d’attachements désordonnés, notamment par rapport à la nature. » « D’avoir du bon sens et de réfléchir à chaque chose qu’on fait« , ajoute Véronique, « pour les faire de manière juste et le plus proche possible par rapport à ce que Dieu nous demande.«
Conférence : ces pratiques qui ne vous veulent pas du bien
Beaucoup de personnes sont venues pour la conférence. Le père Auzenet, prêtre exorciste pour le diocèse du Mans, est venu parler de ce qu’il connaît bien : « le lien entre suicide des agriculteurs et pratiques occultes n’est pas à ignorer. Le monde agricole est perclus de crédulité concernant des pratiques qui sont souvent ‘charlatanesques’, mais parfois aussi occultes ou magiques. Il faut pouvoir donner des clés pour un discernement, à partir d’une information sur la nocivité que ces pratiques engendrent. »
« On peut se poser la question de savoir si, lorsque on aboutit au suicide, au delà de toutes les pressions économiques, et les pressions dues aux énormes difficultés dans lesquelles les agriculteurs peuvent se démener, si l’émargement ou les compromissions avec les demandes de service occulte, ou avec des pratiques avérées, ne sont pas un facteur aggravant. […] Donc c’est important de donner une information sur ces choses. »
« Quand les personnes sont en état de fragilité psychique et qu’elles demandent des services occultes, ça ne peut qu’empirer l’état global d’équilibre de la personne, y compris spirituel, ça ne peut qu’ouvrir des portes à des suggestions, des pensées de suicide… alors si vous mettez en plus le démon dans l’histoire … ! » « Dans l’Eglise il n’y a quasiment pas d’enseignement sur ces questions depuis très longtemps. Alors j’y contribue, avec d’autres. »
Un après-midi vécu en trois temps : la conférence, les réponses aux questions, et la prière de libération des liens occultes.
Les questions ont été nombreuses, et il y avait foule pour cette dernière ! « On ne peut pas laisser les gens repartir ainsi après s’être aperçu combien ils avaient trempé dans ces choses« , explique le père Auzenet. « Il fallait au moins un premier temps de prière pour remettre tout ça au Seigneur et demander sa Grâce.«
« Ce que je déduis du grand nombre de personnes présentes », continue le père, « c’est qu’il y a un énorme besoin, et qu’il serait nécessaire que l’on soit plus nombreux à donner des formations sur ces choses, comme c’était le cas au XIXème siècle où les évêques avaient des paroles très claires sur ces pratiques, de sorte que les chrétiens soient moins dans la confusion qu’ils ne le sont actuellement. »
Le père Auzenet a mis en place des sites internet de ressources sur ces questions :
occultismedanger.fr
sosdiscernement.org
d.auzenet.free.fr