Homélie de Monseigneur Centène – ordinations du 16 juin 2024

HOMELIE DE MONSEIGNEUR CENTENE

ORDINATION SACERDOTALE D’ETIENNE MAROIS

ORDINATION DIACONALE DE LOUIS-HENRI CHOUANE

DIMANCHE 16 JUIN 2024 – SAINT ANNE D’AURAY

Frères et sœurs,

Alors que, par le sacrement de l’Ordre, deux de nos frères vont être consacrés au service de Dieu et de l’Église, je voudrais m’arrêter avec vous sur trois expressions tirées de la deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens, que la liturgie assigne à ce 11ᵉ dimanche du temps ordinaire.

« Nous gardons toujours confiance (…) nous cheminons dans la foi (…) notre ambition, c’est de plaire au Seigneur (…) nous gardons toujours confiance ». Et quelques lignes plus bas, saint Paul insiste et revient sur cette affirmation : « Oui, nous avons confiance ». C’est d’ailleurs la thématique des trois lectures de cette messe. Et il nous est bon de l’entendre au moment de l’engagement solennel que nous sommes en train de vivre.

Quelle confiance, en effet, ne faut-il pas avoir, au moment d’engager sa vie pour toujours ? L’estime de soi-même est-elle suffisante alors que tant d’expériences déjà nous ont montré nos limites ? Quelle confiance ne faut-il pas avoir pour recevoir cet engagement sans craindre le parjure ou la faiblesse humaine ? Pouvons-nous accorder à notre discernement un crédit infaillible alors que tant de déceptions déjà nous ont plongés dans un abîme de perplexité et d’amertume ?

L’oraison d’ouverture de cette messe nous offre une toute autre perspective : « Puisque mortels et fragiles, nous ne pouvons rien sans toi. Donne-nous toujours le secours de ta grâce ». Et c’est bien à cette confiance-là que nous invitent les trois lectures par lesquelles la Parole de Dieu nous rejoint aujourd’hui.

Un peuple voué à la disparition : le prophète Ezéchiel, qui a assisté à la chute totale de son pays, annonce que rien n’est perdu. Ce qui n’est qu’une minuscule bouture va devenir un grand arbre. Ceux qui sont totalement brisés, Dieu les fera vivre merveilleusement auprès de lui.

C’est encore de cette confiance que nous parle saint Paul dans la deuxième lecture : celle des communautés chrétiennes naissantes, vouées à l’incompréhension et à la persécution. Alors que lui-même rencontre d’immenses difficultés dans son ministère et qu’il a l’impression de descendre à la mort, Paul partage sa ferme conviction qu’à travers tout cela, c’est la vraie vie, la vie éternelle qui est en train de germer.

Et c’est encore ce que saint Marc nous redit dans l’Évangile. Cette parole forte est bien faite pour l’époque dans laquelle il nous est donné de vivre, malgré la violence et la culture de mort. Que l’homme dorme ou bien qu’il veille, la semence du Royaume, la vie, germe et grandit. Il ne sait pas comment.

N’est-ce pas un peu l’expérience que nous avons faite à Pâques, quand nous avons vu des milliers d’adultes demander le baptême, alors que l’Église ne donne pas la meilleure image d’elle-même et qu’elle n’a rien fait pour se montrer attirante ?

Que l’homme dorme ou bien qu’il veille, la semence germe et grandit. Dieu agit dans la discrétion et la petitesse. Le Royaume suit sa dynamique propre et c’est bien cette confiance-là qui doit nous animer, éclairer nos engagements et nous faire cheminer dans la foi.

Nous cheminons dans la foi.

Etienne, Louis Henri, le Seigneur vous a appelés et vous avez répondu à cet appel en vous mettant en chemin à sa suite. Votre réponse à son appel vous a mis en mouvement, et cette marche ne prendra fin que lorsqu’il vous faudra paraître, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture, devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait.

Oui, le ministère ordonné est un ministère itinérant. Il vous faudra suivre le Christ et aller partout où il vous enverra. Sur cette route, vous trouverez des lieux hospitaliers, mais aussi des lieux qui vous refuseront. Vous ne pourrez jamais vous installer définitivement, ni même durablement dans tel lieu ou telle communauté. Car suivre le Christ, c’est aller toujours de l’avant.

Par ailleurs, le célibat consacré auquel vous vous êtes engagés librement, Louis Henri au début de cette célébration et vous, Etienne, le 10 décembre dernier, vous a fait renoncer à trouver une stabilité dans le mariage. Pour être tout à Dieu, pour être tout à tous. Le pape François, dans sa première exhortation apostolique, invitait les pasteurs à se tenir devant le peuple en marchant pour lui indiquer le chemin au milieu de lui, pour marcher à son pas et derrière pour ne pas abandonner ceux qui peinent sur le chemin. Vous, Etienne, vous Henri, dans un avenir proche, si Dieu le veut, vous le vivrez à votre tour. C’est ainsi que le Christ marchait avec ses disciples et, dans votre itinérance, lui seul sera votre point d’ancrage.

C’est pourquoi notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Aujourd’hui, le Christ vous envoie, comme il a été lui-même envoyé : « comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Mais cet envoi du Christ par le Père ne le condamne pas à une errance ni à un déracinement. Il ne fait pas de lui un navire à la dérive, sans ancrage. Le Verbe fait chair, le Christ marchant sur nos routes humaines est puissamment connecté à son Père : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » au point de pouvoir dire: « ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre ».

Il cultivait cette connexion par de longues heures de prière et par l’attachement radical à la volonté de son Père. Que ta volonté soit faite et non la mienne, dira-t-il dans la nuit qui précédait sa Passion. Ainsi donc, au milieu de votre itinérance, votre stabilité sera le Christ lui-même. Cette stabilité se développera dans la prière, la liturgie des heures, l’Eucharistie, la rumination de la Parole de Dieu, le cœur à cœur avec lui dans l’oraison. C’est Lui le fondement de notre être, notre force dans le labeur, notre repos dans la fatigue, notre consolation dans les larmes.

La fécondité de votre ministère – je ne veux pas dire son efficacité ni sa réussite, ni son succès – sera proportionnelle à votre abandon entre ses mains, à l’idée que vous vous ferez de votre petitesse. En effet, en dehors de la Parole de Dieu, des sacrements et de la charité pastorale, les ministres ordonnés n’ont pas d’autre moyen de remplir leur mission. Notre Seigneur a envoyé ses apôtres les mains vides, leur rappelant, comme il nous l’a rappelé aujourd’hui, que le Royaume de Dieu est comparable à la plus petite de toutes les semences.

C’est par cette humilité que vous accomplirez votre ambition de plaire au Seigneur et de le laisser agir : ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse.

Mes amis, mes frères ! Que l’Esprit-Saint vous comble de toutes les grâces nécessaires à votre ministère !

Que la Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur, vous garde toujours pauvre de cœur, à l’image du Christ, pour que la semence du Royaume germe et grandisse selon sa dynamique propre, que l’homme dorme ou bien qu’il veille, loin des bruits du monde, de la vanité et des agitations des hommes.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.

ordinations 16 juin 2024 Etienne Marois Louis-Henri Chouane sanctuaire sainte-anne-d'auray