Chers frères et sœurs,
Nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ-Roi. Cette fête instituée par le pape Pie XI, en 1925, avait initialement pour but d’exalter la royauté sociale du Christ, créateur et rédempteur de toute chose.
Elle était célébrée le dernier dimanche d’octobre, avant la Toussaint, et elle avait été créée pour réaffirmer la place de Dieu face à la montée de la sécularisation. Son but était de montrer la vocation ultime de l’ordre social et le salut des âmes.
La réforme liturgique des années 60 lui a donné une toute autre signification. Désormais célébrée le dernier dimanche de l’année liturgique, elle apparaît comme le couronnement du mystère que le cycle liturgique déploie. Elle annonce le retour du Christ à la fin des temps, lorsqu’il apparaîtra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, lui dont le règne n’aura pas de fin. Elle nourrit notre espérance qu’après les épreuves et les combats de cette vie, la création, enfin renouvelée, enfin libérée du péché et de la mort, manifestera que c’est à Dieu seul qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles.
« Elle annonce du retour du Christ à la fin des temps »
La fête du Christ roi de l’univers illustre et développe la deuxième demande du Notre Père : « que ton règne vienne ». Que pouvons-nous comprendre du Christ roi de l’univers ? Quel sens pouvons-nous donner à la fête de ce jour à la lumière des textes de la Parole de Dieu que l’Église nous donne à
méditer dans cette messe ?
textes bibliques de ce dimanche présentent ce roi comme un berger qui rassemble son troupeau. C’est le message que nous a délivré la première lecture. Dans le contexte de l’exil à Babylone, le peuple de Dieu est en plein découragement. Il risque de se disperser, de se fondre dans la masse des
habitants du pays et de se disloquer. Est-il encore le peuple de Dieu ? Est-il encore un peuple ? Sera- t-il, à plus ou moins longue échéance, rayé de la carte ? Autant de questions, frères et sœurs, qui par-delà les siècles, s’adressent à nous aujourd’hui.
Et le prophète Ézéchiel, parce qu’il est un prophète, répond aux interrogations angoissées de son peuple. Il sait, parce qu’il est un prophète, que Dieu n’abandonne jamais son peuple. Les dirigeants d’Israël ont conduit le peuple à la défaite, à la ruine, à l’opprobre et à l’exil. « C’est moi qui ferai paître mon troupeau » dit Dieu. Ézéchiel répond aux questions angoissées de son peuple par trois bonnes nouvelles.
Trois bonnes nouvelles
La première : « vous êtes encore le troupeau de Dieu ». Ce n’est pas au regard de vos mérites, c’est parce que Dieu est fidèle à son alliance en toute circonstance. « J’irai moi-même à la recherche de mes brebis » dit Dieu.
La deuxième bonne nouvelle découle de la première : c’est l’annonce de la fin de l’exil à Babylone et le retour au pays. Par-delà son caractère historique et conjoncturel, comme toutes les paroles de l’Écriture, cette promesse a un sens spirituel. Elle est une promesse d’éternité, elle évoque la sollicitude éternelle du berger. « La brebis perdue je la chercherai, l’égarée je la ramènerai, celle qui est blessée je la panserai, celle qui est malade je lui rendrai des forces, celle qui est grasse et vigoureuse je la garderai, je la ferai paître selon le droit. »
La troisième bonne nouvelle découle de la deuxième, c’est une promesse de bonheur. À l’avenir, Dieu va veiller lui-même sur chacune de ses brebis. Il sera lui-même leur berger, ce qui implique à la fois fermeté et sollicitude.
La deuxième lecture nous permet de faire un pas de plus. Elle nous donne la clé d’interprétation de la vieille prophétie concernant Israël au temps de l’exil, une clé d’interprétation universelle. Elle nous permet de passer du particulier à la plénitude. Saint Paul nous parle du Christ ressuscité, berger de toute humanité qui veut associer l’humanité tout entière à sa victoire sur la mort et le péché. Par sa mort et sa résurrection, il a triomphé de toutes les puissances du mal. Il marche à la tête de la longue procession des hommes qui montent vers Dieu. Il introduira dans son royaume tous ceux qui l’auront suivi. Le monde sera arraché aux puissances de la mort. Dieu sera tout en tous.
« Dieu sera tout en tous »
Voilà, frères et sœurs, la bonne nouvelle qui doit raviver notre espérance. L’évangile de ce jour déploie sous nos yeux la fresque grandiose du jugement dernier. « Venez les bénis de mon père, recevez un héritage, le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ». Jésus, dans cette
parabole, nous révèle notre véritable vocation. Le projet de Dieu créant le monde. Nous sommes faits pour être rois, rois à la manière du Christ qui s’est fait tellement proche des petits et des exclus qu’il se reconnaît en chacun d’entre eux. C’est à la manière dont nous aurons accueilli que nous
serons jugés. Nous nous serons jugés nous-mêmes car le tri final, auquel le juge se livrera, n’aura pour critère que le choix que nous aurons fait tout au long de notre vie terrestre.
Le Seigneur nous rappellera qu’il se trouvait souffrant dans chacun de ceux que nous avons rencontrés et qu’il aurait aimé se trouver aimant, sauvant dans chacun d’entre nous. Car régner c’est servir.
« Au soir de notre vie, disait saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l’amour » c’est-à-dire sur notre conformité avec le roi. Dieu manifestera alors qu’il est devenu tout en tous. C’est la grâce que nous demanderons au seigneur de nous octroyer durant cette messe.
Au nom du père et du fils et du Saint-Esprit. Amen