Mardi 16 avril 2019 en la cathédrale Saint Pierre de Vannes
« Tous ceux et celles qui ont été baptisés peuvent aujourd’hui s’exclamer à la suite d’Isaïe et de Jésus dans la synagogue de Nazareth : « L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ».
En effet, à la sortie des eaux du baptême, purifiés de la faute originelle et des fautes commises avant le baptême, nous sommes nés à la vie de l’Esprit.
L’onction d’huile sainte et parfumée que le ministre a faite sur notre front fut le signe de la présence durable de l’Esprit de Dieu au cœur même de notre cœur, « plus intime à nous-même que nous-même », selon le mot de saint Augustin.
Alors, comme Jésus, à la suite des prêtres, des prophètes et des rois de la première alliance nous sommes devenus des temples de l’Esprit du Seigneur.
Ensemble nous sommes appelés à être « un royaume de prêtres », et nous le sommes vraiment par la consécration de notre baptême et de notre confirmation.
Notre manière de vivre en ce monde, dans nos villes, nos quartiers, nos familles, nos engagements professionnels ou associatifs, devrait rendre évidente la présence du Royaume déjà inauguré et tout entier réalisé en Jésus-Christ mort et ressuscité.
C’est à nous tous qu’il incombe de vivre l’évangile au quotidien, dans les plus petits aspects de notre vie, de telle sorte que le monde en soit transformé.
En tant que disciples du Christ, nous avons à faire le pont entre Dieu et l’humanité. Voilà pourquoi notre tâche n’est pas de condamner le monde, mais de l’aimer et l’unir au Christ, de le rendre présent dans notre prière et notre offrande de l’Eucharistie.
Tous nous avons à exercer le sacerdoce commun des baptisés en agissant à la manière de Jésus dans le monde et en transmettant à ce monde grâce et bénédiction de la part de Dieu.
Ne sommes-nous pas, comme l’écrivait l’apôtre Pierre, « la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu » ?
Pour vivre ce sacerdoce royal et être présent dans le monde à la manière d’un ferment, le Seigneur a voulu, en instituant le sacrement de l’ordre, que certains exercent un service à l’égard des membres du peuple de Dieu. Un service et non un pouvoir ! « Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27).
Toute ordination confère à celui qui agit désormais au nom et à la place du Christ un don qui le fait serviteur de ses frères pour la croissance et la sainteté de chacun et du corps tout entier.
Chers frères prêtres, le jour de notre ordination nous avons accepté de « vivre toujours plus unis au Seigneur Jésus et à chercher à lui ressembler en renonçant à nous-même et en étant fidèles aux engagements attachés à la tâche ministérielle que nous avons reçue par amour du Christ et pour le service de l’Église ».
Redoutable engagement si nous comptons uniquement sur nos propres forces !
« Le prêtre est le plus insensé des hommes, disait le Pape François, si Jésus ne l’instruit pas patiemment comme Pierre, le plus sans défense des chrétiens si le Bon Pasteur ne le fortifie pas au milieu de son troupeau. Personne n’est plus petit qu’un prêtre laissé à ses seules forces ; donc, notre prière de protection contre tout piège du malin est la prière de notre Mère : je suis prêtre parce qu’il a regardé avec bonté ma petitesse ». (Homélie de la messe chrismale 2014)
Dimanche dernier, en lisant la Passion selon saint Luc, je me suis laissé interpeller par ces mots prononcés par Jésus à l’intention de Pierre : « Simon, Simon voici que Satan vous a réclamé pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas ».
Qui n’a pas laissé ces paroles résonner dans son cœur ne peut pas comprendre la crise que traverse aujourd’hui l’Église et qui ne se limite pas à une question de structures.
Avant d’être une institution, l’Église est d’abord le sacrement du Royaume. L’image de Notre-Dame de Paris, détruite alors que l’on était en train de mettre en œuvre tous les moyens techniques pour la soigner, nous est aujourd’hui une parabole.
L’année jubilaire de saint Vincent Ferrier, l’étude de l’époque à laquelle il a vécu,nous ont mieux fait comprendre que si elle est le sacrement du Royaume, l’Église n’est pas le Royaume !
Comme je le disais dimanche, elle reste la table de la Cène où la main de celui qui livre Jésus est à côté de lui sur la table. Elle reste la table de la Cène autour de laquelle les disciples se querellent pour savoir quel est parmi eux le plus grand. Elle reste la table de la Cène où Pierre entend Jésus lui prédire son reniement. Elle reste le lieu de la co-croissance mystérieuse du bien et du mal. Elle reste ce champ où l’ivraie risque d’étouffer le bon grain mais dans lequel ils poussent l’un et l’autre jusqu’au jour de la moisson et ce doit être pour chacun d’entre nous une école d’humilité. »
La prise de conscience, trop récente, des souffrances suscitées chez les victimes par les actes scandaleux de certains prêtres qui ont blessé l’image de la paternité de Dieu qu’ils avaient à représenter doit nous pousser à une purification et à une demande de pardon, car le péché d’un seul rejaillit sur l’ensemble du presbyterium.
Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. En ces temps difficiles où, à cause des fautes de quelques-uns, ils sont souvent suspectés, où ils se font quelques fois insulter dans les rues et où leur rôle social semble souvent dévalué, je voudrais redire aux prêtres toute mon admiration et mon estime pour leur engagement, pour le don qu’ils ont fait de leur vie, pour leur investissement au service du peuple de Dieu et les inviter à l’espérance en se mettant toujours plus à l’écoute des paroles de Jésus : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères ».
Monseigneur Centène