Après l’étude des propositions quant à la présence de l’Eglise dans le monde rural, la visite pastorale de Monseigneur Centène au Pays du Faouët s’est poursuivie autour d’un second chantier emblématique du territoire : les pardons et les chapelles. L’évêque et son équipe ont rencontré et écouté les chevilles ouvrières : représentants des comités de chapelle, prêtres, bénévoles. Dans l’attente des décisions qui seront annoncées jeudi, le père de Barmon, curé-doyen du Faouët, en charge d’accompagner ce « chantier », décrypte les enjeux de la réflexion, avec en toile de fond l’évangélisation.
« Les pardons constituent une réalité non négligeable sur nos quatre doyennés », expose le père de Barmon. D’avril à octobre, le territoire vit au rythme des pardons, qui se succèdent autour d’une multitude de chapelles. Ces pardons voient se fédérer des chrétiens et des non-croyants, désireux d’animer l’«âme»de leurs quartiers. Evènements-phares, les pardons émergent naturellement comme une « chance pour l’évangélisation », fil rouge de la visite pastorale. « C’est un ‘outil’ qui existe et qu’il ne faut pas perdre, insiste le Père Ivan Brient, vicaire général. Pourquoi inventer des choses alors qu’il en existe ? ».
Tout au long de l’année, par l’organisation logistique qu’ils requièrent, le nombre de bénévoles qu’ils mobilisent, le brassage de population qu’ils représentent et la joie de se retrouver qu’ils procurent aux habitants d’un quartier, les pardons sont un formidable levier. « Quand les commerces ont disparu et que les villages se désertifient, ce sont parfois les derniers lieux de cohésion sociale. Quand il y a une chapelle, le fait d’organiser un pardon fait que les gens se retrouvent encore, même en hiver. C’est très bon pour la vie sociale de ces campagnes et l’Eglise doit y contribuer », renchérit le Père Ivan.
Dynamiser les pardons pour évangéliser
« Dans les années 70-80, l’état de délabrement de certaines chapelles a été un élément déclencheur pour la relance de fêtes, autour des chapelles, à l’occasion des pardons » explique le Père de Barmon. Dans cette dynamique, de nombreuses chapelles ont été restaurées. Il s’agit désormais d’entretenir les édifices et de répondre au désir qu’ont les populations de s’y rassembler.
La question du renouvellement des comités de chapelle place un premier point d’attention sur les jeunes. Comment favoriser leur implication ?
» Les bénévoles vieillissent, il peut devenir compliquer d’assurer la logistique d’un repas et l’accueil d’une centaine de personnes… en particulier dans des villages où peu de jeunes, susceptibles de donner un nouvel élan, arrivent ».
D’autre part, il apparaît crucial de préserver et de renforcer le lien entre les dimensions profane et religieuse de ces fêtes.
Le Père de Barmon signale que des baptêmes sont célébrés à l’occasion de certains pardons, à la demande des familles.
De multiples initiatives concourent à faire découvrir aux plus jeunes le patrimoine religieux, à partir des pardons. « C’est ce qui s’est vécu avec les confirmands : l’année dernière, à la chapelle de Persquen, autour de la Fontaine saint Vincent Ferrier et, au début de cette année, à la chapelle saint Hervé, le samedi soir précédant le pardon, » précise le Père de Barmon.
Sur le doyenné de Ploërdut, les enfants de profession de foi découvrent les saints titulaires des chapelles, à travers les cantiques dédiés à ces saints par exemple.
Une piste intéressante réside dans la promotion du patrimoine culturel des cantiques. Le travail de « collectage » est en cours, indique le Père de Barmon. « Certains ont commencé à enregistrer sur CD les chants ; ils sont traduits sur les feuilles de chants. C’est un nouveau point d’attention et il faut aller en ce sens, insiste-t-il. « Ne pas préserver seulement la pierre mais préserver aussi les chants liturgiques ».
Culture bretonne et foi : un « terrain » propice
Le phénomène des pardons met en relief l’imbrication des dimensions culturelle et cultuelle, profane et religieuse. Des personnes ayant un intérêt pour l’histoire, la langue bretonne et l’architecture, côtoient des croyants par le biais des pardons. « Par cette rencontre des uns et des autres autour de la chapelle, certains peuvent avoir un petit déclic si Dieu le veut ! Donc c’est un terrain propice ».
Dimanche soir, l’équipe épiscopale s’est rendue à Roudouallec, au village du Moustoir, pour vivre l’office des Vêpres dominicales en langue bretonne, avec la Fraternité Tiegezh Santez Anna. Cette communauté de trois hommes – constituée en association de fidèles laïcs reconnue par le diocèse – prie, travaille et vit en langue bretonne. « Autour d’elle, une petite fraternité se retrouve mensuellement. Elle a pour mission de continuer à annoncer le Christ dans les milieux bretonnants ». Le Père Brient, également en charge de la pastorale en langue bretonne, se réjouit des ponts établis entre la foi et la culture bretonne. Au-delà de la langue, tout un esprit d’évangélisation est à cultiver, particulièrement auprès des jeunes, attachés aux racines de la Bretagne, mais ignorant parfois le Christ. « Au VIème siècle, l’Evangile a été apporté essentiellement en langue bretonne, par les moines évangélisateurs. Donc il faut travailler à la fois cet attachement au passé et cette ouverture sur l’avenir avec la question de l’évangélisation ».