La dévotion à sainte Anne est très ancienne en Bretagne et fait partie intégrante de l’identité bretonne. Les chapelles qui lui sont dédiées (voir carte au bas de l’article) témoignent de cet attachement à la grand-mère du Christ, sans parler des multiples lieux dits Keranna et des écoles qui sont sans doute plus nombreuses encore. Un parcours rapide de ces édifices et de leur histoire permet de décrire les raisons de cette dévotion, et quelques-unes de ses expressions.
En cette année jubilaire de Sainte Anne, nous vous proposons de découvrir le patrimoine qui lui est dédié dans notre diocèse. Article d’Irène de Château-Thierry, déléguée à la Commission Diocésaine d’Art Sacré (CDAS), tiré de la revue Chrétiens en Morbihan n° 1523 – novembre 2022.
Le diocèse de Vannes comptait, sous l’Ancien Régime, un nombre impressionnant de chapelles dont beaucoup ont disparu. Parmi les quelques 700 qui restent ou qui ont été construites depuis, les plus nombreuses sont dédiées à la Vierge. Mais viennent ensuite, dans l’ordre de la quantité, les chapelles consacrées à sainte Anne. La plus ancienne est celle de Branderion, construite au XIVe siècle. Branderion, qui est à l’époque une trêve de Languidic, viendrait du latin « praedium Annae », attestant de la fondation antique, à cet endroit, d’un culte à sainte Anne, sur la voie romaine de Vannes à Quimper. Cette chapelle est en quelque sorte la soeur de celle que sainte Anne indique à Nicolazic lors d’une de ses apparitions de 1624, et dont les ruines étaient connues au XVIIe siècle des habitants de Keranna, quelques vingt kilomètres plus loin sur cette même voie romaine.
Du XVe siècle, siècle de prospérité en Bretagne, il reste trois jolies chapelles gothiques dédiées à sainte Anne : celle de Buléon, but de pèlerinage, celle de Saint-Dolay et celle de Saint-Nolff, construite à côté de l’église. Au XVIe siècle, les chapelles Sainte-Anne de Ménéac et de Campénéac sont des fondations privées. La tradition des châtelains de dédier à sainte Anne les chapelles de leurs demeures perdure jusqu’au XIXe siècle, attestant de l’attachement des familles bretonnes à la grand-mère du Christ, comme au Bois-de-La-Roche, à Néant-sur-Yvel, à Mohon, Mauron, Porcaro et l’Île-aux-Moines au XVIIe siècle, à Kerozer en Saint-Avé, à Kerplouz, à Caro et l’Ile Berder au XIXe.
Les bâtisseurs mettent aussi travailleurs et ouvriers sous la protection de Sainte-Anne. La chapelle édifiée au centre du village des forgerons puis des cordiers du château de Kergroix, sur la paroisse de Remengol, porte le titre de « Sainte-Anne-du-bâtiment ». C’est encore à sainte Anne qu’est dédiée la chapelle de l’hôpital de Malestroit qui donna son nom au faubourg.
Des chapelles ex-voto
Parfois, la fondation est une sorte d’ex-voto, fruit d’un voeux à celle qui était renommée pour consoler « les époux sans espérance et les familles sans héritiers ». Ainsi la chapelle Sainte-Anne de Ploemeur fut-elle édifiée entre 1528 et 1537, par Louys du Ter et son épouse Jeanne de la Sauldraye, lorsque
la sainte eut exaucé leurs prières en leur obtenant la naissance d’une petite fille qu’ils prénommèrent Anne. C’est la même gratitude qui conduisit la comtesse de Cossé-Brissac à construire en 1865, en bordure du parc de son château de Pont-Calleck, la chapelle Sainte-Anne-des-Bois.
Les apparitions de sainte Anne à Nicolazic fortifient encore la dévotion dans les premières années du XVIIe siècle. La chapelle de Lézillac-en-Taupont fut ainsi bâtie en 1638 pour épargner aux habitants la peine de se rendre jusqu’à Auray. Celle d’Augan, à la Vallée-Sainte-Anne, donation privée de
1642, s’inscrit aussi dans cette mouvance, comme celle de Plouay, Sainte-Anne-du-Scorff, édifiée sur un ancien site romain.
Celle d’Elven, construite au début du XXe siècle par le curé, pour le quartier de Keranna, célèbre clairement la « sainte Anne d’Auray », comme le montre le vitrail de la maîtresse-vitre. Celle de Séné, bâtie en 1950, lui est également dédiée, mais aussi aux marins dont on connait l’attachement particulier à leur sainte patronne. La chapelle de Kerdonnerc’h à Belz, construite au XIXe siècle, est, elle aussi, fréquentée par les marins.
Des origines géographiques similaires
Les fondations de lieu de culte ont parfois une origine géographique : les chapelles dédiées à saint Michel sont presque toujours en hauteur par exemple. Il semble que sainte Anne soit souvent attachée à une zone humide, en commençant par la célèbre Sainte-Anne-La-Palud. Il se trouve que Le Guerno signifie en breton « lieux humides » : son église est dédiée à sainte Anne, comme la chapelle Sainte-Anne-Grappon, qui, à Surzur, domine les marais du Cosquer et la rivière de Sarzeau. Les études de restauration actuellement en cours à Sainte-Anne-d’Auray font apparaître l’importance des travaux hydrauliques auxquels durent faire face les Carmes, au XVIIe siècle, à la construction du sanctuaire, puis l’architecte Depertes lors de l’édification de la basilique actuelle.
Parfois, la dévotion à sainte Anne en a supplanté une autre, comme à Sainte-Anne-Grappon où elle prend la place de la Vierge, à Cléguérec où la chapelle de Boduic, anciennement consacrée à saint Jacques, s’appelle maintenant Sainte-Anne, comme dans les églises de Tréal ou Le Guerno où l’aïeule du Sauveur a fini par s’imposer.
Ainsi, si ces années de jubilé peuvent nous inviter à redécouvrir les lieux dédiés à la mère de la Vierge, ceux-ci nous montreront, chemin faisant, la richesse des dévotions dont on l’honore, elle dont on ne compte plus patronages et protections auxquels surent faire appel des générations de fidèles.
Irène de Château-Thierry
Commission diocésaine d’art sacré
Écoutez Irène de Château-Thierry au micro de RCF Sud Bretagne :
La dévotion à sainte Anne en quelques dates …
550 à Constantinople : bénédiction d’une basilique en l’honneur de sainte Anne.
VIe siècle : saint Guénolé et saint Corentin édifient, non loin de l’abbaye de Landévennec, une chapelle qui deviendra Sainte-Anne-la-Palud.
700 : une chapelle dédiée à sainte Anne existe auprès de l’ancienne voie romaine à l’ouest de Vannes, au lieu-dit Keranna.
VIIIe siècle : la pratique de la fête de sainte Anne fixée au 26 juillet se répand.
IXe siècle : Charlemagne redécouvre le corps de sainte Anne enterré à Apt.
XVe siècle : le diocèse de Vannes fête officiellement sainte Anne.
1623-1625 : sainte Anne apparaît à Nicolazic, laboureur du village de Keranna à Pluneret ; fondation du sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray.
26 juillet 1914 : Sainte Anne est proclamée patronne de la Bretagne.
… Et quelques chiffres
Dans le diocèse de Vannes, l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan porte son nom, comme naturellement la basilique de Sainte-Anne-d’Auray. Trois clochers lui sont consacrés : Sainte-Anne d’Arvor à Lorient, Tréal et Le Guerno, ainsi que 28 chapelles.
33 édifices dédiés à Sainte-Anne dans le Morbihan