Le 20 septembre 1996, le Saint-Père Jean-Paul II venait en pèlerinage au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray. « Vivez l’Espérance ! », « ouvrez vos coeurs au Christ ! » a-t-il exhorté. Le message qu’il adressait aux jeunes couples et familles il y a 25 ans résonne plus que jamais en cette année dédiée à la famille : « soyez le sel de la terre et la lumière du monde ».
Deux paroles de Jean-Paul II pour garder le cap
Au cours de la messe dominicale qui a commémoré le 25e anniversaire de la venue du saint pape à Sainte-Anne-d’Auray, le père Ivan Brient, vicaire général, a retenu deux paroles de Jean-Paul II qui peuvent, aujourd’hui, nous aider dans notre foi : « N’ayez pas peur ! » et « Merci sainte Anne pour ce soleil ! »
Le monde, en 1978, avait besoin d’entendre cette parole : « N’ayez pas peur ! », a rappelé le père Ivan qui a ensuite développé : « Il n’y a pas qu’aujourd’hui que le monde a peur. De tout temps, l’homme est torturé par la peur […] Ce n’est pas pour rien que l’expression « N’ayez pas peur » se retrouve 365 fois dans la Bible, comme presque autant de jours dans l’année. Chaque jour, Dieu nous dit : « N’ayez pas peur ! » Dieu a toujours cherché à rassurer l’être humain. Le Dieu des chrétiens est le Dieu qui les libère de la peur en leur donnant comme compagnon de route Jésus, son fils, le « Rédempteur des hommes », comme aimait à l’appeler Jean-Paul II. » Le père Ivan a ensuite énuméré les peurs qui peuvent paralyser l’être humain aujourd’hui : « peur de l’avenir, la peur d’être manipulé, la peur de l’autre différent, la peur du virus ou, à l’inverse, la peur du vaccin, la peur de la guerre, la peur de la mort. Le grand danger dans tout cela, c’est la division, division dans la société – on le vit aujourd’hui – et cela peut même aller jusqu’à la division des chrétiens eux-mêmes. »
« La seule peur qui devrait nous animer, une peur légitime, est la peur de ne pas faire la volonté du Christ, la peur de nous éloigner de Jésus » a continué le père en insistant sur le cap que Jean-Paul II nous invite à suivre aujourd’hui : dépenser notre énergie pour l’unité des chrétiens afin de répondre à la volonté du Christ : « Que tous soient un comme toi Père et moi, nous sommes un. » Et d’appuyer encore : « La peur est mauvaise conseillère, elle peut tuer l’unité, elle peut tuer l’espérance, elle peut même éteindre la foi. N’ayons pas peur ! »
La seconde parole, anecdotique et en apparence insignifiante « Merci sainte Anne pour ce soleil ! », rappelle le beau temps qui a marqué la venue du Saint-Père alors que la pluie était annoncée. « Spontanément, le pape Jean-Paul II a rendu grâce, une parole simple qui nous invite à ne pas oublier le principe même de la prière qui est l’action de grâce. Oui, un moyen très concret de lutter contre les peurs est de regarder ce qui nous est donné, ce qui est beau et bon, et de rendre grâce pour cela. Notre monde est rempli d’occasions de rendre grâce. Une multitude de petites choses insignifiantes apparemment et pourtant, qui sont grandes aux yeux de Dieu. »
Exhortant les chrétiens à ne pas relayer « les prophètes de catastrophe mais à relayer le salut, le message du Christ rédempteur » à la suite de Jean-Paul II, le père Ivan Brient a conclu : « Sainte Anne, saint Jean-Paul II, libérez-nous des prophètes de malheur, libérez-nous des peurs, apprenez-nous l’action de grâce, donnez-nous la force de travailler à l’unité. »
Message du pape Saint Jean-Paul II
Chers parents, Chers enfants,
1. «Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde» (Mt 5, 13-14). Le Christ adresse ces paroles aux disciples qui le suivaient et qui l’avaient entendu proclamer les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12). Aujourd’hui, il vous adresse ce même message, à vous, jeunes familles ici rassemblées. Je suis heureux de vous rencontrer au cours de ma visite. Votre présence nombreuse montre la vitalité des familles françaises.
Certes, la famille, en France comme ailleurs, traverse de multiples difficultés qui parfois la fragilisent. Votre région est particulièrement éprouvée par la situation économique qui provoque le chômage et qui contraint des jeunes à la quitter. Vous rencontrez des problèmes complexes concernant la santé, le logement, le travail des femmes. Je comprends vos inquiétudes pour l’avenir de vos enfants. Comme de nombreux parents, vous êtes confrontés à la question de l’éducation humaine et morale des jeunes, alors qu’autour de vous s’affaiblit le sens spirituel et que sont remises en cause bien des valeurs essentielles comme l’indissolubilité du mariage ou le respect de la vie.
2. Chères familles, je vous redis les paroles du Christ : vous êtes «le sel de la terre» et «la lumière du monde». Le Verbe incarné est le Maître de la parole dont il donne lui-même l’interprétation. Que nous soyons enfant ou adulte, nous pouvons comprendre les deux comparaisons données par Jésus : «Vous êtes le sel de la terre» ; nous savons tous que des aliments sans sel n’ont pas de saveur. Un plat correctement assaisonné a du goût et il est agréable à consommer. S’il lui manque du sel, il est fade. Si le sel se dénature et ne peut plus servir à relever les plats, «il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent» (Mt 5, 13).
«Vous êtes la lumière du monde». Qu’est-ce donc que la lumière ? Nous le découvrons aussi par l’expérience : la lumière brille et éclaire. C’est grâce à elle que nos villes et nos rues ne demeurent pas dans l’obscurité. La lumière est vue de loin. Elle chasse les ténèbres et permet de voir le visage de l’autre. Le soir, en famille, dans la lumière du foyer, il est agréable de se rassembler. Avec ces images du sel et de la lumière, le Christ s’adresse aujourd’hui à vous, familles ici rassemblées. Soyez le sel de la terre ! Soyez la lumière du monde ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Le Seigneur nous l’explique : «Que votre lumière brille devant les hommes ; alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est au cieux» (Mt 5, 16).
3. Laissez-moi vous redire ces paroles du Seigneur : vous êtes «le sel de la terre» et «la lumière du monde». L’Église vous fait confiance et compte sur vous, parents, tout spécialement dans la perspective du troisième millénaire, pour que les jeunes puissent connaître le Christ et le suivre généreusement. Par votre façon de vivre, vous témoignez de la beauté de la vocation au mariage. L’exemple quotidien de couples unis nourrit chez les jeunes le désir de les imiter. Les jeunes, en recevant dans leur famille le témoignage de l’amour de Dieu, seront conduits à en découvrir les profondeurs. La préparation du grand Jubilé passe par chaque personne et par chaque famille, pour que le monde accueille la lumière du Christ, qui, seul, donne le sens ultime de l’existence (cf. Tertio millennio adveniente, n. 28). Comme le manifestent de nombreux témoignages présentés aujourd’hui, vous êtes porteurs d’un riche dynamisme spirituel. Vos enfants ont dans leur cœur le désir de faire de leur vie quelque chose de grand. C’est souvent dans des familles à la foi épanouie que naissent aussi les vocations au sacerdoce ou à la vie religieuse.
4. Vous êtes «le sel de la terre» et «la lumière du monde». Par ces paroles, le Seigneur vous invite à être des témoins et des missionnaires auprès de vos frères. Que votre vie, qui tient son sens du Christ, ait de la saveur pour ceux qui vous entourent ! Que votre vie rayonne, car au fond de votre cœur le Seigneur est présent ; il vous aime et il vous appelle à sa joie ! C’est bien le fait de se savoir aimé qui permet d’avancer sur la route avec confiance. La vie des baptisés consiste tout d’abord à être relié au Christ, source de la vie, à recevoir de Lui la vie en abondance et à en devenir les témoins. «Le sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour les époux et pour la famille le fondement d’une vocation et d’une mission sacerdotale» (Familiaris consortio, n. 59).
Plusieurs des témoignages que nous avons entendus soulignent la place essentielle de l’Eucharistie. Vous avez raison, car elle est une source à laquelle puisent les époux chrétiens. Dans le sacrifice de la nouvelle Alliance que le Christ scelle avec l’humanité, ils découvrent un modèle pour leur amour, qui est un don gratuit et une action de grâce. La relation conjugale ne peut pas reposer sur les seuls sentiments amoureux ; elle se fonde avant tout sur l’engagement définitif clairement voulu, sur l’alliance et sur le don, qui passent par la fidélité. Par leur vie conjugale, les époux témoignent de l’amour vrai, qui intègre toutes les dimensions de la personne, spirituelle, intellectuelle, volontaire, affective et corporelle.
5. La relation amoureuse participe à la croissance du conjoint. Elle est un service de l’autre, prenant exemple sur le Christ serviteur qui a lavé les pieds de ses Apôtres, au soir du Jeudi saint. La vie conjugale n’est jamais exempte d’épreuves, qui font passer par des moments douloureux où l’amour et la confiance en l’autre comme en soi-même semblent vaciller. Les époux puiseront leur force en s’unissant aux sentiments du Christ au cours de la nuit du Vendredi saint. Beaucoup en ont fait l’expérience : la traversée de l’épreuve peut contribuer à purifier l’amour. Mais il y a aussi d’intenses moments de joie, qui proviennent de la communion dans l’amour. Ces instants rappellent que, au-delà de toute souffrance, il y a la lumière éclatante et la victoire définitive du matin de Pâques. Ainsi, le sacrement du mariage a une structure pascale.
La vie conjugale et familiale est un chemin spirituel. En effet, en couple et en famille, toute rencontre nécessite d’accueillir l’autre avec délicatesse. Vous savez la place du dialogue au sein du couple et de la famille. Dans notre monde où le souci de la rentabilité dans toutes les activités laisse peu d’espace aux rencontres gratuites, il est important que les couples et les familles puissent se ménager des temps d’échanges, qui permettent d’affermir leur amour.
6. La vie conjugale passe aussi par l’expérience du pardon ; car, que serait un amour qui n’irait pas jusqu’au pardon ? Cette forme la plus haute de l’union engage tout l’être qui, par volonté et par amour, accepte de ne pas s’arrêter à l’offense et de croire qu’un avenir est toujours possible. Le pardon est une forme éminente du don, qui affirme la dignité de l’autre en le reconnaissant pour ce qu’il est, au-delà de ce qu’il fait. Toute personne qui pardonne permet aussi à celui qui est pardonné de découvrir la grandeur infinie du pardon de Dieu. Le pardon fait retrouver la confiance en soi et la communion entre les personnes, car il n’y a pas de vie conjugale et familiale de qualité sans conversion permanente, ni sans dépouillement de ses égoïsmes. C’est en contemplant le Christ en Croix qui pardonne que le chrétien trouve la force du pardon. En 1986, au cours de la Messe des familles à Paray-le-Monial, j’avais montré que l’amour du cœur de Jésus doit être la source de tout amour humain.
7. Dans la vie conjugale, les relations charnelles sont le signe et l’expression de la communion entre les personnes. Les manifestations de tendresse et le langage du corps expriment le pacte conjugal et représentent le mystère de l’alliance et celui de l’union du Christ et de l’Église. Les moments de profonde communion donnent à chaque membre du foyer une force réelle pour sa mission auprès de ses frères, ainsi que pour son travail quotidien.
Vous êtes invités à manifester au monde la beauté de la paternité et de la maternité, et à favoriser la culture de la vie qui consiste à accueillir les enfants qui vous sont donnés et à les faire grandir. Tout être humain déjà conçu a droit à l’existence, car la vie donnée n’appartient plus à ceux qui l’ont fait naître. Votre présence ici avec vos enfants est un signe du bonheur qu’il y a à donner la vie de façon généreuse et à vivre dans l’amour.
8. Vous, les jeunes, vous êtes aussi le sel de la terre et la lumière du monde. Pour chacun d’entre vous, la maison est un lieu privilégié où vous aimez et où vous êtes aimés. Vos parents vous ont appelés à la vie et désirent vous guider dans votre croissance. Sachez les remercier et rendre grâce au Seigneur ! Même dans les moments difficiles, prenez conscience que vos parents veulent vous aider à être heureux, mais que l’accès au bonheur a aussi des exigences ! Comme vos parents, vous êtes responsables de la vie en famille et de l’existence d’un climat de plus en plus pacifié, qui laisse à chacun assez d’espace pour donner le meilleur de lui-même et pour épanouir sa personnalité.
Comme nous l’avons entendu précédemment, au moment où la vie spirituelle s’éveille chez les enfants et où ils s’interrogent sur Dieu, grâce à eux, des parents retrouvent le chemin de l’Église et de la foi qu’ils avaient laissé s’estomper en eux. Le Seigneur réalise ainsi des merveilles par les tout-petits et confie à chacun, dans sa famille, un rôle d’évangélisation. Certains témoignages précisent que des familles ont un coin de prière que les enfants ont de la joie à décorer et où ils se rendent volontiers pour rencontrer Jésus dans le silence. Je me réjouis de cette place accordée au Christ et à la Vierge Marie dans vos foyers.
9. La société doit reconnaître la haute valeur du rôle des parents, qui prépare l’avenir d’une nation. En effet, vous êtes les premiers responsables de l’éducation humaine et chrétienne de vos enfants. La communauté familiale fondée sur l’amour et la fidélité offre aux enfants la sécurité et la stabilité qui leur permettent d’accéder à la vie adulte. C’est dans un climat d’amour et de tendresse, de don et de pardon, que les personnalités peuvent se forger et se développer harmonieusement.
Dans l’Ouest de la France, l’école catholique a une riche tradition ; des communautés religieuses n’ont pas ménagé leurs efforts pour la rendre dynamique. Elle a un projet pédagogique spécifique à développer, pour proposer aux jeunes les valeurs chrétiennes, mais d’abord une découverte de la personne du Christ ; car les valeurs non reliées à la source vivante qu’est le Seigneur risquent de se dénaturer. Cela n’empêche pas que des jeunes non catholiques soient largement accueillis et soutenus avec sollicitude dans leurs études par ces établissements scolaires dans le respect des perspectives chrétiennes qui les caractérisent.
Je voudrais saluer également le travail accompli par les aumôneries de l’enseignement public, qui offrent aux jeunes l’éducation religieuse nécessaire au développement de leur vie de foi. Elles sont confrontées aux nombreuses activités parascolaires dans lesquelles les enfants sont engagés et qui laissent peu de place à la catéchèse. Des mouvements remplissent aussi une mission inestimable, tels l’Action catholique de l’Enfance, le Mouvement eucharistique des Jeunes ou le Scoutisme.
10. De nombreux couples participent activement à la vie de l’Église, dans les services diocésains, dans les mouvements et dans les paroisses. Je rends grâce pour tout le travail accompli et j’encourage toutes les familles à poursuivre leur action. En particulier, votre expérience vous autorise à proposer à vos contemporains un cheminement sur les questions conjugales et familiales. Dans cet esprit, les centres de préparation au mariage offrent des lieux de réflexion et de formation, pour des jeunes qui se préparent à s’engager définitivement par le sacrement de mariage. Ils proposent avec clarté le message chrétien sur l’amour vrai et sur l’exercice de la sexualité dans la chasteté, qui donne toute sa dignité à la vie conjugale. Les mouvements familiaux stimulent la réflexion et la vie spirituelle des couples. Je salue aussi le travail réalisé par les groupes qui organisent des sessions et des retraites pour les couples, pour les familles et pour les jeunes.
11. Ma pensée rejoint les couples et les familles qui portent de lourdes charges, en particulier les parents qui ont à accueillir un enfant handicapé et les familles qui accompagnent avec dévouement des malades ou des personnes âgées de leur entourage. Je rends grâce au Seigneur pour leur disponibilité et pour la grandeur de leur amour. Ils savent reconnaître en l’être blessé un fils particulièrement aimé de Dieu. Je mesure aussi la souffrance de ceux qui vivent douloureusement l’absence d’enfants. Puissent-ils trouver des personnes attentives au sein de la communauté chrétienne et découvrir la joie de se donner au service de leurs frères ! Je ne veux pas oublier non plus ceux qui vivent dans la solitude, parce qu’ils n’ont pas pu réaliser leur projet conjugal. Ils doivent trouver auprès des familles réconfort et amitié.
L’Église a aussi le souci de ceux qui sont séparés, divorcés et divorcés remariés ; ils restent membres de la communauté chrétienne. En effet, «ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie» (Familiaris consortio, n. 84), tout en accueillant dans la foi la vérité dont l’Église est porteuse dans sa discipline du mariage.
Parler de la famille, c’est aussi évoquer les grands-parents. Par la sagesse qui leur vient de leur longue vie en couple, ils sont pour leurs enfants un soutien et pour leurs petits-enfants des points de référence et de stabilité et souvent les premières personnes qui leur parlent du Christ. Le dialogue et la proximité entre les générations demeurent des aspects non négligeables de la vie familiale.
12. La famille est un lieu d’épanouissement incomparable. Puissiez-vous, grâce au Christ et à l’amour qui vous unit, vivre dans la joie ! Dans ce lieu de pèlerinage, le peuple chrétien honore sainte Anne, mère de la Vierge Marie, et il vient filialement se mettre sous sa protection. Je confie vos familles à son intercession et je vous accorde de grand cœur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu’à toutes les personnes qui vous sont chères.